Alors que les conséquences du dérèglement climatique deviennent de plus en plus évidentes, les banques intègrent progressivement ces risques dans leurs stress tests réglementaires et leurs cartographies des risques, tout en imaginant une nouvelle performance durable.  

L’adoption de pratiques éthiques et durables en matière d’offre et notamment de financement et d’investissement, constitue la dimension cruciale des engagements RSE des banques. Cela se traduit par une vigilance accrue dans le choix des projets financés, mettant l’accent sur la gestion des risques environnementaux et sociaux. 

Cette évolution pose des défis complexes et requière une compréhension approfondie des interactions entre les activités financières et les enjeux de responsabilité sociale et environnementale (RSE).  

L’entrée en vigueur de la réglementation CSRD en janvier 2024 renforce les exigences en matière de reporting non financier. Elle contraint ainsi les banques, comme tous les secteurs, à matérialiser leur engagement envers la durabilité à la fois en interne et dans leur impact externe sur la société. 

Parallèlement, les ONG exercent une pression forte et croissante pour accélérer la transition des banques vers des pratiques plus durables. En mettant la barre très haut, elles souhaitent une révision fondamentale et rapide des modèles des banques.  

Le nécessaire dialogue de « sourds » entre banques et ONG

La communication bancaire

La communication des banques et leur politique de transparence renforce la confiance des parties prenantes et contribue à accélérer la dynamique de changement 

Pourtant, ces actions des banques ne suffisent pas aux ONG. Les premières mettent en avant les efforts réels consentis à partir d’une situation dont il est impossible de faire table rase, les secondes ont l’œil rivé sur l’objectif et la courbe nécessaire pour l’atteindre.  Ce dialogue est sans doute nécessaire à chacun des acteurs pour trouver comment faire évoluer le business model en rupture sans perdre l’équilibre.

L’exemple de BNPP, une banque historique, vue par les ONG

En 2023, trois ONG majeures – Les Amis de la Terre, Notre affaire à tous et Oxfam France – ont intensifié leurs actions envers les banques, en particulier en poursuivant BNP Paribas en justice. Cette dernière a été qualifiée par Oxfam France de « premier financeur européen et cinquième mondial du développement des énergies fossiles », avec 165,9B$ de financement de 2016 à 2022 (le premier mondial est JP Morgan Chase avec 434,1B$).  

Selon l’étude « Banking on Climate Chaos » de 2023, BNP Paribas a augmenté son financement des entreprises émettrices d’énergies fossiles depuis 20161, atteignant 20 milliards de dollars en 2022, avec un pic en 2021 à 41,8 milliards de dollars.  

Cependant, la question qui se pose est de savoir si cette augmentation est due à de nouveaux projets ou à des contrats de financement antérieurs. En outre, la concentration des financements sur un nombre d’entreprises clientes en 2022 par rapport à 2016, doit aussi être considérée. 

En regard du tableau « sombre » que dressent les ONG, BNPP peut se prévaloir de réels efforts dans le domaine de la finance durable. 

Les actions de BNPP au service de la durabilité

BNP Paribas a accéléré ses financements vers les énergies bas carbone (énergies renouvelables, biocarburant, nucléaire), avec une part de 54% contre 46% pour les énergies fossiles (raffinage, extraction et production pétrolière et gazière, charbon)  à la fin de septembre 2023. À présent, 65% du stock des crédits à la production d’énergies sont alloués aux énergies bas carbone. L’objectif initial de 80% fixé pour 2030 est avancé à 2028, avec une nouvelle cible de 90% pour 2030. À la fin de 2023, le rapport entre les financements accordés par BNP Paribas aux projets d’extraction et de production pétrolière et gazière par rapport aux projets d’énergies renouvelables est de 1 pour 11. 

Les ONG soulignent tout de même que BNP Paribas, avec Société Générale,  Intesa Sanpaolo, et Standard Chartered, fait partie des quatre banques qui limitent leur soutien financier aux entreprises opérant dans l’extraction de pétrole et de gaz en Amazonie. En complément, BNP Paribas s’est engagé à exclure le financement commercial du pétrole provenant de l’Amazonie équatorienne de son portefeuille. 

A contrario les banques plus jeunes, à l’instar de la Banque Postale, née en 2006, se démarquent pour les ONG sur leurs bonnes pratiques. Par exemple, en octobre 2021, la Banque Postale a établi un précédent en matière de politiques pétrolières et gazières en excluant plus de 900 entreprises de l’industrie fossile et en s’engageant à sortir du secteur d’ici 2030, avec des exceptions envisagées pour les entreprises en transition.  

En conclusion, la confrontation entre les banques et les ONG met en lumière la complexité de la mise en place de politiques RSE dans le secteur bancaire. Ce dialogue, qui peut sembler irréconciliable, est le reflet de l’impact profond de l’impératif RSE sur le business model des banques et de leurs clients.  

Article rédigé par :
Pauline MELLET & Stéphanie THIERRY