L’urgence climatique impacte l’ensemble des secteurs économiques. Les banques doivent trouver comment engager une marche forcée pour faire face aux enjeux environnementaux tout en préservant leur équilibre économique. Dans ce nouveau contexte, elles ont adopté une approche systémique axée sur la gestion des risques climatiques afin d’intégrer dans leurs activités leurs nouvelles priorités stratégiques.

Dans cette série d’articles, nous présenterons une compréhension de ces risques via 4 aspects :

  1. La description des principaux risques climatiques pesant sur les institutions bancaires,
  2. Une vue d’ensemble des réglementations bancaires mises en place pour adresser ces risques,
  3. Une réflexion sur la robustesse des outils dont disposent les banques pour évaluer ces nouveaux risques et le défi que leur modélisation constitue
  4. Une mise en regard des efforts déjà engagés par les banques et la pression qu’exercent les ONG pour les contraindre à aller plus vite.

Mesurer le risque climat, un challenge pour les banques  ?

Les standards d’évaluation du risque climatique restent limités et récents pour faciliter la modalisation de ce risque et de ses impacts. Alors, quelle stratégie est adoptée / doit être adoptée par les banques pour modéliser ce risque ?

Intégrer le risque climatique dans les stress tests réglementaires

Une première piste consiste à évaluer la sensibilité des banques à une transition bas carbone en utilisant une méthodologie à laquelle les institutions financières sont rôdées. En modélisant différents scénarios de crises de risques climatiques, les banques tentent d’évaluer les répercussions financières en identifiant les actifs les plus vulnérables et en évaluant les pertes potentielles afin d’optimiser leur résilience en termes de liquidité.

Pour autant, bien que cette méthode – stress-testing – ne soit pas nouvelle pour les banques, l’exercice n’est pas facile lorsqu’il s’applique au risque climatique. La BCE préconise aux banques de mettre en place une approche prospective 2 (ou « forward looking ») pour estimer leur capacité à faire face au risque climat. Cette approche, devra permettre aux banques de réagir « vite et bien » en cas d’accélération du rythme de la transition vers une économie bas carbone et ou dans le cas où les risques de transition se concrétiseraient plus tôt que prévus (catastrophe naturelles
inédites par exemple).

Cette démarche peut être pertinente pour se mesurer face au risque de transition (évolution de l’environnement opérationnel ou réglementaire) et pour déclencher les transformations requises, que ce soit dans l’ajustement des organisations, le réajustement des fonds propre réglementaires ou au travers des dotations de provisions pour risques.


Elle sera cependant moins pertinente pour estimer les impacts du risque physique sur la stabilité financière des banques. Si la démarche prospective cherche à challenger la capacité des banques à conjecturer sur des événements inédits et leurs impacts, les données historiques ne peuvent pas permettre de modéliser les événements climatiques à venir.
La réalité est que les banques sont attendues sur leur aptitude à modéliser une « incertitude climatique » plutôt qu’un « risque climatique » qui reste très conceptuel.³

Cadrer la politique réglementaire sur le risque climat 

Les orientations de la BCE ont été une boussole pour les banques européennes qui ont pu renforcer à court terme leur capacité de résistance climatique, notamment face au risque de transition. Ce pas en avant a certes permis de constater comment les banques se positionnent en termes de modèles et de calcul des émissions associés à leurs portefeuille d’actifs mais rencontrent des limites pour couvrir toutes les dimensions qui caractérisent le risque climat.

L’absence de réglementations contraignantes empêche la normalisation des méthodes de gestion des risques et ainsi toute comparaison fiable entre les différentes institutions financières. Standardiser la méthode semble être nécessaire pour mesurer le risque climat qui peut avoir une portée multidimensionnelle.

Les banques font face à de nombreux enjeux qui sous-tendent la prise en compte du risque climatique :

  • se doter de données climatiques fiables et en quantité suffisante,
  • renforcer la prise en compte du risque climat dans leurs activités commerciales (notamment en affinant l’appréhension du profil de risque « climat » de ses clients),
  • améliorer leur capacité à intégrer ces nouveaux risques dans leur planification stratégique.

Effectivement, pour appréhender le risque climat, les banques doivent l’évaluer de façon transactionnelle (à l’exemple de l’octroi de crédit) mais également de façon holistique (avec par exemple le pilotage des fonds propres réglementaires). Malgré cela, on constate encore que seules 20% des banques prennent en compte le risque climat lors de l’attribution d’un prêt (résultats des exercices de stress tests supervisés par la BCE en 2022) Comment expliquer cette posture ?

 Bien que les modèles existants puissent être limités, pour construire leur résilience face au risque climat, les banques doivent conjecturer et stress tester la capacité de leurs clients et contreparties à faire face aux différents scenarii de transition.

Du côté des régulateurs, le défi portera davantage sur la définition de standards réglementaires et l’harmonisation des données d’entrée nécessaire pour stress tester le risque climat. Mais nous l’avons vu, le risque physique peut être difficilement conceptualisable et peut rendre obsolète les modélisations existences. Un autre challenge, certes plus ambitieux mais sûrement plus pertinent, consisterait à penser de nouveaux modèles pour penser ces nouveaux risques.

Article rédigé par :
Sonia BENBERGHOUT & Romain WATERLOT

[3] https://www.wolterskluwer.com/fr-fr/expert-insights/banks-esg-and-climate-risk-management-new-models-for-new-risks