L’accélération de la transition énergétique et le verdissement de notre énergie concerne plus que jamais le secteur gazier. 9 ans après la mise en route de la première unité d’injection de biométhane (2011) sur le réseau, le volume injecté de gaz vert est d’environ 1%, mais la PPE (Programmation Pluriannuelle de l’Energie) fixe aux gaziers l’objectif de 10% de gaz vert dans 10 ans (1). Face à ce nouveau défi, la filière gazière, soutenue par une règlementation motrice, doit se structurer pour industrialiser la production de biométhane.

Quelles sont les pistes pour atteindre la cible ? Et les impacts sur les différents acteurs ?

Le biométhane en France : contexte, constats et enjeux

Pour atteindre les objectifs de neutralité carbone en 2050, deux leviers sont actionnés dans la loi de transition écologique pour une croissance verte (LTECV) : la baisse des consommations (notamment des énergies fossiles), et le verdissement de notre mix énergétique.

Et il n’y a pas que l’électricité qui peut être verte : l’énergie gaz répond aussi à ce besoin, grâce à la production de biogaz, du gaz vert issu de la méthanisation de déchets organiques par fermentation. Le biogaz est soit utilisé directement dans des cogénérations, soit épuré pour devenir du biométhane qui est ensuite injecté dans le réseau de gaz naturel traditionnel après contrôle du gestionnaire.

La feuille de route de la PPE fixe plusieurs jalons pour les gaziers pour la décennie à venir :

  • Réduire la consommation de gaz naturel de 13% en 2023 et de 25% en 2028 (par rapport à 2017)
  • Augmenter la part du gaz vert pour atteindre 10% en 2030, soit environ 21 TWh

Évolution et Perspectives des sites d’injection de biométhane en France

Aujourd’hui, la dynamique est enclenchée, et le biométhane connaît une croissance accélérée grâce à une filière active et motivée : au 21 février 2020, on compte 133 sites d’injection de biométhane sur le territoire, correspondant à une production de l’ordre de 2,3 TWh/an (contre 1,3 TWh en fin 2018) (2).

Avec un taux de croissance annuel moyen de plus de 60% observé depuis 3-4 ans, les objectifs de la PPE semblent atteignables par la filière. A condition toutefois que la demande de projets se maintienne avec un potentiel d’approvisionnement en intrants suffisant pour alimenter les nouveaux méthaniseurs, et que les conditions de marché restent attractives pour les porteurs de projets (maintien du tarif de rachat du gaz vert, stabilité voire réduction des coûts de construction et de raccordement).

Un défi de taille, mais qui ne va pas à l’encontre des ambitions des acteurs du secteur gazier, qui visent les 30% de biométhane d’ici 2030, dont 12 TWh dès 2023. A date, le gestionnaire du réseau de distribution (GRDF) dispose d’ores et déjà de plus de mille projets en émergence ou inscrits au registre des capacités, permettant d’atteindre les 21 TWh.

Les facteurs clés de réussite d’une filière complexe

La filière biométhane est complexe et regroupe un grand nombre d’acteurs, centrés sur l’agriculteur qui est à la fois fournisseur d’intrants, financeur du méthaniseur, financé par le biométhane, et utilisateur du digestat et possiblement du biométhane dans ses véhicules.

Évolution et Perspectives des sites d’injection de biométhane en France

Afin de sécuriser et d’accélérer l’émergence de projets de biométhane, la filière doit actionner certains leviers économiques, sociaux, logistiques et administratifs. Les différents acteurs gravitant autour de l’écosystème « biométhane » ont chacun un rôle à jouer pour atteindre les objectifs de la feuille de route :

Le rôle clé des acteurs de l’écosystème Biométhane dans les différentes étapes de la production

Pour accélérer la transition écologique du gaz gris vers le gaz vert, deux stratégies semblent se profiler : d’un côté une montée en cadence de la construction des unités de production de biométhane, et de l’autre l’augmentation de la capacité unitaire des méthaniseurs, qui en France est largement en dessous de la moyenne européenne (3).

Les défis des acteurs pour répondre aux 2 stratégies d’évolution de la filière biométhane

La filière agricole, en tant que maillon central, a besoin d’un accompagnement technique et financier de la part d’acteurs moteurs de la filière pour porter davantage de projets de plus grande ampleur. Ce rôle de chef d’orchestre de la filière biométhane est aujourd’hui porté par le distributeur de gaz et doit trouver un relai de taille adéquate au niveau des régions et collectivités.

Si le défi de l’émergence des méthaniseurs est relevé, se pose également la question de la possibilité technique d’injecter directement le biométhane de toutes les futures unités dans le réseau, multipliant le nombre de points d’injection et les contraintes locales de rebours. La technologie de biométhane porté (compressé, puis transporté jusqu’à un point d’injection stratégique) peut constituer une bonne solution technique, mais l’intérêt économique et écologique du biométhane est réduit d’autant.

Sources :
(1) Observatoire du biométhane, benchmark des filières européennes – septembre 2018
(2) Site GRDF – découvrir les unités d’injection
(3) NB : 340 Nm3/h de biogaz traité par installation contre 937 Nm3/h)(3), ce qui « empêche la France de bénéficier d’un coût de production du biométhane plus faible » d’après Cédric de Saint Jouan, président de Thinktank France Biométhane, d’après La filière biométhane prend son envol, article dans le Figaro