Fin 2020, la capacité maximale de biométhane injectée dans le réseau de distribution de gaz atteignait 4TWh/an¹, un chiffre en augmentation de près de 70% par rapport à 2019. SI le développement de la filière ces 5 dernières années est indéniable, le chemin à parcourir est encore long pour atteindre les 14TWh/an d’ici 2028. Cela représenterait alors environ 7% de la consommation finale de gaz en France, et c’est l’objectif minimum fixé dans le cadre de la PPE (Programmation Pluriannuelle de l’Energie). 

Pour ce faire, la filière biométhane va devoir relever deux défis : faire sortir de terre plus rapidement les nombreux projets en attente et gagner en compétitivité en réduisant le coût de production du biométhane. 

Agence ORE (Opérateurs de Réseaux d’Energie)

Raccourcir le temps de concrétisation des projets 

GRDF, le distributeur de gaz en France, estime le temps de réalisation théorique d’un projet biométhane entre 3 et 4 ans, de la mobilisation et des études préliminaires jusqu’à la mise en service. En réalité, cette période est souvent plus longue. Or, arriver à tenir ces délais est primordial pour une filière qui veut montrer sa légitimité dans le futur mix énergétique français. Entre les projets en émergence et ceux inscrits aux registres de capacité, GRDF décomptait en 2019 près de 1600 projets potentiels qui représenteraient une capacité d’injection de plus de 21TWh. De quoi largement dépasser l’objectif fixé par la PPE si tous ces projets venaient à se concrétiser et que leur production était injectée dans les réseaux de distribution.  

Nous pouvons distinguer deux grandes périodes en amont de la mise en service d’une unité de méthanisation : la phase d’étude et la phase administrative.

Pendant la phase d’étude, les porteurs de projets évaluent la taille de l’exploitation, les besoins de financement et la quantité de gaz qu’ils vont être capable d’injecter. Cette phase est maintenant bien maitrisée grâce aux nombreux retours d’expérience des projets existants et à l’accompagnement des acteurs de la filière, comme GRDF ou l’ADEME.  

En revanche, les démarches administratives sont souvent rendues compliquées par les opposants aux projets. L’installation d’un méthaniseur peut être mal perçue par les riverains ou les élus locaux. Les nuisances olfactives, l’augmentation du trafic routier pour approvisionner l’exploitation en intrants, ainsi que les risques de pollution des sols que pourrait engendrer l’épandage du digestat sont généralement pointés du doigt. Pour faciliter le dialogue, des guides de conciliation sont partagés aux porteurs de projet pour les aider à communiquer en toute transparence et à rassurer. Cependant des recours sont régulièrement déposés pour contester l’obtention d’un permis de construire ou d’un enregistrement ICPE. S’ils sont très majoritairement rejetés par la justice, ils font prendre du retard sur les délais initiaux et ralentissent la phase de construction et la mise en service.  

Etapes clés d’un projet biométhane

Procédure de gestion du Registre de capacités (Source : CRE)

Malgré le manque de données à disposition en ce qui concerne la méthanisation, il est intéressant de noter que ce problème est commun à la majorité des installations destinées à la production d’énergie renouvelable. S’il est difficile d’avoir des chiffres exacts sur la durée de concrétisation d’un projet, on l’estime dans le cas de l’éolien entre 7 et 9 ans en France quand la période est de 3 à 4 ans en Allemagne. Pour le réduire, un décret a été validé en 2018 pour restreindre les droits de recours contre les projets éoliens. Une équivalence pour les projets de méthanisation pourrait ainsi avoir du sens.  

Les coûts de production décisifs pour l’avenir de la filière  

Le coût de production d’un mégawatheure de biométhane varie entre 80 et 100€ selon le type d’intrant utilisé et le volume de l’exploitation. Comparé au 20€/MWh du gaz naturel « classique », la comparaison brute n’est pas à l’avantage du gaz vert. Cependant, les externalités positives sont nombreuses et peuvent être chiffrées. De plus, la trajectoire est à la baisse même si les exploitants demeurent dépendants des tarifs de rachat fixés par l’Etat pour être rentable sur leur projet². Ceux-ci sont fixes et garantis pour une période de 15 ans à la signature du contrat. Or, ces tarifs ont été revu à la baisse fin 2020.

Cette baisse des tarifs de rachat vise à encourager la filière à diminuer ses coûts de production. Le gouvernement a fixé un objectif de réduction de 30%.

 

Pour réduire les coûts de production, les exploitants peuvent principalement actionner deux leviers : la qualité des intrants et l’optimisation des installations. Utiliser des intrants plus efficaces, comme les cultures énergétiques (maïs, sorgho, tournesol, etc.) par exemple, permet d’augmenter le volume de production. L’optimisation des installations concerne l’étanchéité des cuves et les outils de monitoring (contrôle du PH par exemple) mis en place. Le but est de réduire les pertes de biométhane.

 

Par ailleurs, de nouveaux acteurs privés permettent également d’optimiser les coûts. MAGMA-Energy est une centrale d’achat qui permet de mutualiser les commandes entre exploitants et ainsi de bénéficier d’économie d’échelle. Cette startup a été créé en 2020 et propose de réaliser des achats groupés sur les équipements (cuve, bâche, système d’épuration) et les commandes énergétiques.

 

Enfin, l’ADEME coordonne un appel à projet dans le cadre du Programme d’investissement d’avenir, le PIA, qui « vise à faire émerger des solutions industrielles innovantes en matière de méthanisation afin de développer la compétitivité de la filière française et la structurer de manière pérenne ». La limite pour les dépôts de projet a été fixé au 28 mai 2021. Sont cités parmi les axes identifiés par l’ADEME, la maximisation du pouvoir méthanogène des intrantsl’optimisation de la production et de la maintenance des infrastructures ou l’optimisation des coûts de raccordement au réseau.

 

Un impact sociétal positif qui pourrait être limité par la RE2020

Dans l’ensemble, l’expérience acquise par la filière permet aux nouveaux porteurs de projet de bénéficier d’un appui auprès des exploitants déjà en place. Il sera intéressant de suivre si le nombre d’installations raccordées continue de croitre dans les mêmes proportions dans les prochaines années. En effet, la baisse des prix de rachat, puis l’annonce de l’interdiction du chauffage au gaz dans les nouvelles habitations à partir de 2024 prévue par la nouvelle Réglementation Environnementale 2020, risque de limiter l’attractivité du biométhane.

Pour les nouveaux porteurs de projets, les exploitations vont devenir moins rentables et côté consommateurs il faudra trouver d’autres débouchés.

 

Dans cette optique, le développement du bioGNV³ pourrait apporter des réponses sur le plan du contrôle des coûts, puisque le gaz vert valorisé comme carburant ne nécessite pas de raccordement au réseau, souvent coûteux pour l’exploitant. De plus, c’est un carburant intéressant pour les poids lourds ou les bus qui pourraient compenser la baisse de consommation des ménages si la fin du chauffage au gaz se confirme dans les prochains mois. Trouver ces débouchés est primordial pour tout un écosystème : la production de biométhane permet de créer des emplois locaux non-délocalisables, 7 300 fin 2020, tout en assurant une source revenu complémentaire aux exploitants agricoles.