Les délais de paiement fournisseurs : l’éternel sujet furieusement d’actualité pendant la crise du COVID19
20 avril 2020Les délais de paiement des factures : pourquoi est-ce un enjeu pour les entreprises ?
Le délai de paiement des factures impacte depuis toujours la relation client-fournisseur et la bonne santé économique des entreprises. Au-delà de la contrainte de l’encadrement réglementaire et de son contrôle par la DGCCRF (La Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes), la maîtrise du délai de paiement révèle aussi celle du processus de facturation par les entreprises. La crise du Covid-19 ne fait donc qu’accentuer ce sujet en en faisant un facteur clef du maintien en vie des entreprises les plus exposées. Et les grandes entreprises sont au rendez-vous, réactives en soutien de leurs partenaires plus petits. Faut-il y voir une opportunité pour finalement faire tomber des totems ?
Enjeux économiques et impact sur la relation clients fournisseurs
Les délais de paiement sont un élément fort de la relation client-fournisseur, notamment lors de la négociation commerciale. Cependant, même une fois fixé dans le cadre du contrat, le sujet reste souvent trop présent. 85% des PME jugent même que leur activité globale serait plus rapide avec davantage de visibilité sur les paiements de leurs clients (1). Le manque de confiance en la capacité d’une entreprise à payer dans les temps peut même devenir, pour le fournisseur, un motif de renoncement à une opportunité commerciale.
En moyenne moins d’une entreprise sur deux règle ses fournisseurs avant 60 jours, et les retards de paiement atteignaient en moyenne 11 jours en France en 2018 (2). Les retards de paiement génèrent pour les fournisseurs des risques économiques alors qu’elles peinent à faire face à leurs propres dettes fournisseurs. Et c’est alors toute la chaîne infernale qui s’enclenche. Pour y remédier, elles ont de plus en plus recours aux financements d’urgence, tel que l’affacturage. Entre fin 2017 et 2018, le montant des créances gérées par ces sociétés a augmenté de 11,2%, le portant à 75,7 milliards d’euros (2). Si ces solutions permettent de couvrir le risque lié aux délais de paiement, elles ont cependant un coût et donc un poids supplémentaire pour les fournisseurs.
En France, les délais de paiement sont pourtant réglementés par l’Article L-441-10 du code du commerce qui énonce une échéance à 60 jours à compter de la date d’émission de la facture. De son côté, la loi Sapin 2 de 2016 a renforcé la pression sur les retards de paiement avec des amendes pouvant aller jusqu’à 2 millions d’euros (et 4 millions en cas de récidive) pour une personne morale. Les agents de la DGCCRF sont alors chargés de contrôler son application. En outre, les médiateurs mis en place en 2016, sont toujours plus sollicités et encore plus incités à protéger les entreprises aujourd’hui avec la crise sanitaire du COVID-19.
L’enjeu lié à l’image du mauvais payeur
Depuis 2018, la loi Pacte autorise l’administration à publier le nom des entreprises en défaut de paiement. Cette pratique appelée « Name and Shame » a ainsi rendu publiques les amendes d’Amazon, Sephora et de nombreux autres. En novembre dernier, SFR s’est vu attribuer l’amende de 3,7 millions d’euros, rendue publique par la DGCCRF : 32% de ses factures n’étaient pas payées dans les temps (3). De même, alors que la responsabilité sociétale des entreprises prend une importance croissante, le label qui récompense les entreprises aux « relations durables et équilibrées » peut être retiré à la suite de sanctions de la DGCCRF. L’objectif est ici d’utiliser le levier négatif sur l’image de marque des entreprises et de son impact auprès du grand public, au-delà des sanctions financières. Cependant, une part des dirigeants ne semble pas craindre de tels impacts. Ils sont d’ailleurs 83% à penser que la publication des sanctions dans la presse locale d’annonces légales ne sera pas faite (4). Pour autant, une part non négligeable des fournisseurs se méfie des mauvais payeurs, et 68% des entreprises en France estiment que les retards de paiement sont dus à des choix délibérés des clients dans le cadre de leur gestion de trésorerie (2).
De nombreuses entreprises sont alors favorables à un élargissement de l’utilisation des données relatives au délais de paiement : 74 % des sondés considèrent en effet que ces données devraient figurer obligatoirement dans le rapport RSE des entreprises, et 87 % d’entre eux jugent que les résultats en matière de délais de paiement devraient constituer un critère pesant dans la notation de l’entreprise par les agences (4).
Depuis le début de la crise des mesures fortes ont été annoncées et mises en place par le gouvernement :
- Un comité de crise co-animé par le médiateur des entreprises (Ministère de l’Economie et des Finances) et par le médiateur du crédit (Banque de France) a vocation à traiter « prioritairement les signalements qui impliquent les grandes entreprises ayant un impact structurel sur l’économie française » (5)
- Fin mars, le ministre de l’Economie annonçait que les entreprises qui ne respectent pas les délais de paiement n’auraient plus accès à la garantie de l’Etat pour les prêts bancaires (6)
Des retards de paiement révélateurs de la maîtrise des processus
Pourtant soyons clairs : si les causes des retards sont multiples, elles sont rarement le fait d’actions volontaires. Le retard de paiement est plus souvent directement engendré par des problématiques d’optimisation du processus (de l’approbation de l’engagement d’une dépense au règlement de la facture). Le 1er écueil est l’acheminement de la facture (non dématérialisé, c’est la 1ère cause de retard). Les autres causes sont directement liées à la complexité des organisations et à des processus de traitement en miroir qui génèrent plus d’exceptions que de cas standards : bon de commande absent, réception manquante, valideur ayant changé de poste, dispute sur le centre de coût d’imputation, cumul de valideurs en fonction des seuils, etc.
Bien sûr, un volume important de factures reste bloqué en raison de réels litiges commerciaux, administratifs ou concernant le produit. L’Observatoire des délais de paiement cite notamment les litiges concernant des erreurs dans le montant ou sur l’adresse de facturation, ou encore lié à la non-conformité de la facture. Les fournisseurs ont aussi de gros efforts à faire. Au total, le taux de facture bloquées représentait alors 13% en 2018 (2).
Pour faire face à ces retards, la dématérialisation des factures, qui sera obligatoire pour le secteur privé à partir de 2023, est le 1er levier. Le portail de facturation électronique Chorus Pro mis en place par le secteur public et ayant couvert le traitement et paiement de 25 millions de factures en 2018, a permis notamment d’éviter les allers-retours et d’accélérer le traitement de la facture (réception, déblocage, validation) : l’État a réduit ses délais de paiement, passant de 36 jours à près de 16 jours entre 2011 et 2018 (2). La facturation électronique via un portail permet également d’offrir au fournisseur une meilleure visibilité sur le statut de la facture, de réagir en cas de blocage et d’améliorer la piste d’audit.
L’optimisation des processus Procure to Pay se développe et permet de gagner du temps en anticipant le process d’approbation et en faisant porter sur la commande les informations nécessaires au traitement de la facture. Les bénéfices sont notables à la fois en délai mais aussi en coût de traitement pour l’entreprise cliente.
En maîtrise de leurs délais de paiement, les entreprises peuvent se recentrer sur leur cœur de métier tout en sécurisant la trésorerie de leurs fournisseurs. Si la crise du COVID-19 remets les délais de paiements et la fragilité des plus petites structures au cœur de l’actualité, les grandes entreprises ont véritablement soutenu leurs fournisseurs (5) en débloquant rapidement les commandes comme les factures. Elles ont ainsi contribué à la résilience du système global dans cette période d’incertitude économique forte. Ce sera l’occasion en sortie de crise de prendre du recul et peut être pérenniser les bonnes pratiques.
Depuis 20 ans, Spinpart accompagne ses clients dans la maîtrise de leur process Gestion de la dépense et délais de paiement, de l’engagement au règlement de la facture.
Sources :
- (1) « Les délais de paiement limitent l’essor des PME » Les Echos (février 19)
- (2) Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2018 (avril 2019)
- (3) « SFR condamné à 3.7 millions d’euros d’amende pour retard de paiement » lesnumériques.com (octobre 2019)
- (4) « Les retards de paiement devraient intégrer le rapport RSE » L’Agefi (octobre 2019)
- (5) Comité de crise sur les délais de paiement : Face à des incidents de paiement en forte hausse, les comportements solidaires sont indispensables (16 avril 2020)
- (6) Intervention du ministre de l’Economie sur franceinfo (24 mars 2020)