Ch. Cauche : Intrapreneur chez ENGIE NextFlex

Charles CAUCHE est diplômé de l’école Centrale de Lyon et travaille au sein du groupe ENGIE depuis 2012. Il intègre le groupe en 2014, après plusieurs missions en tant que consultant sur divers projets Smart Grid et la digitalisation de la relation client chez ENGIE.

NextFlex

NextFlex est une start-up incubée par ENGIE opérant sur le marché de l’effacement de consommation électrique. L’effacement électrique est la capacité d’un site industriel ou tertiaire à réduire sa consommation d’électricité à la demande, sous un délai généralement court (moins de deux heures).

L’offre de NextFlex consiste à :

  • Qualifier la capacité d’effacement de son client (identifier les équipements à mobiliser, sous quelles conditions et avec quel effet)
  • Mettre en œuvre la technologie permettant de l’activer (manuellement ou automatiquement)
  • Rémunérer le client (payer le client d’une prime fixe, et d’y ajouter une prime variable en cas d’activation)

NextFlex valorise en France et en Belgique l’effacement de plus de 200 sites dont la facture électrique annuelle dépasse 150 k€, de l’hypermarché à l’usine agro-alimentaire. Avec une équipe de 6 collaborateurs, NextFlex poursuit actuellement son développement en France et en Belgique, et s’implante aux Pays-Bas et en Allemagne. L’incubation ayant été un succès, NextFlex prépare depuis la fin 2016 son rattachement à l’une des Business Units d’ENGIE.

 

Site internet : www.engie-nextflex.com/

 

SpinPart : Expliquez-nous ce qui vous a amené à fonder NextFlex et en quoi consistent vos activités ?

J’ai rejoint l’équipe NextFlex début 2016, et plus particulièrement son fondateur Christophe Huguet. Christophe a fondé NextFlex en 2015 grâce au processus d’incubation mis en place par ENGIE.

Aujourd’hui, mes activités s’organisent autour de 2 grands axes. La première partie consiste à la mise en œuvre opérationnelle de nos offres d’effacement auprès de nos clients. Il s’agit de transformer nos contrats en réalité opérationnelle pour que les sites de notre portefeuille puissent effectivement réaliser des effacements, en installant l’ensemble des solutions nécessaires : installation d’un boitier d’effacement pour les sites automatisés, paramétrage des sites et des alertes d’effacements dans nos outils…

L’autre partie est orientée business development pour aller chercher de nouveaux clients. Nous nous appuyons en bonne partie sur le réseau de commerciaux ENGIE déjà en place sur de nombreux sites en Europe, et nous les aidons à développer une nouvelle offre  en proposant une rémunération d’effacement aux clients.

 

SpinPart : Quel est votre positionnement sur le marché de l’effacement de consommation par rapport à d’autres acteurs comme Actility, Ijenko, Voltalis… ?

Complètement intégrée au sein du groupe ENGIE, notre équipe dispose de l’expertise du groupe et des compétences pointues sur de nombreux domaines pour mettre en œuvre nos offres d’effacement.

Nous sommes actuellement positionnés uniquement sur les clients B2B (contrairement à Voltalis par exemple) et souhaitons développer en priorité ce portefeuille. Nous gérons des clients pouvant réaliser des effacements de quelques centaines de kW à plusieurs MW. Notre intégration permet de bénéficier plus facilement des différentes sources de rémunération disponibles : réserve primaire et tertiaire au service du gestionnaire de réseau (RTE en France), marché de l’électricité, mécanisme de capacité… Notre métier consiste d’abord à qualifier la flexibilité du client (puissance effaçable, disponibilité, durée, délai de mobilisation…) pour lui proposer une offre adaptée. Notre rôle est ensuite d’agréger intelligemment les différentes capacités de nos clients pour maximiser leur valeur sur les différents mécanismes.

 

SpinPart : Quels sont les bénéfices de l’effacement pour l’ensemble du système : citoyens, acteurs du marché de l’énergie… ?

L’effacement joue un rôle majeur dans le système électrique européen. Il constitue une assurance pour les gestionnaires de réseau (RTE, Elia…) en les aidant à équilibrer le réseau entre la production et la consommation à chaque instant. Par exemple, en cas de panne soudaine d’un actif de production, l’effacement peut secourir le réseau en diminuant la consommation avec un temps de réaction de quelques minutes. L’arrivée des énergies renouvelables, par définition intermittentes (vent, soleil…), renforcera le rôle des effacements, et plus généralement de la flexibilité, à travers la capacité de moduler à la hausse ou à la baisse la consommation.

Aussi, l’effacement contribue à la sécurité d’approvisionnement lors des pointes de consommation. Par exemple, lors de la vague de froid que l’Europe a connu en janvier 2017, les effacements ont joué un rôle primordial en diminuant les consommations aux heures de pointe, et de nombreux clients NextFlex y ont participé.

 

SpinPart : Quels équipements sont nécessaires pour réaliser un effacement… ?

La première étape est d’identifier un client ayant une consommation électrique dite « flexible », c’est-à-dire dont la consommation de certains équipements est pilotable : pompes, compresseurs, éclairage, groupes frigorifiques, ventilation,  processus avec tampon ou interruptible… La présence d’un groupe électrogène de secours permet également de moduler sa consommation, vue du réseau (celle-ci est reprise par le groupe et non plus soutirée sur le réseau).

La deuxième étape est alors d’utiliser nos propres équipements pour activer les effacements.

Sur le plan matériel « hardware », il y a plusieurs situations. Certains sites souhaitent gérer manuellement leurs effacements. Dans ce cas, il suffit de notifier les personnes du site via les canaux traditionnels (SMS, mail, appels) pour que le site réalise l’effacement. D’autres sites préfèrent être automatisés, cela implique d’installer un boitier d’effacement sur place, afin de piloter les effacements à distance. Ce boitier s’intègre généralement dans l’installation électrique existante et permet au site de réguler sa consommation en fonction des signaux transmis au boitier.

Sur le plan logiciel « software », nous utilisons différents outils pour gérer les effacements de bout en bout : activation des capacités d’effacement, gestion intelligente du portefeuille de flexibilité, récupération et traitement des courbes de consommation de sites…

 

SpinPart : Le concept d’effacement existe en France depuis les années 50 avec les tarifs EJP-TEMPO. Quels sont les bouleversements technologiques, économiques ou sociétaux qui vous font croire à son avenir ?

La transition énergique n’est qu’à ses débuts et le monde de l’énergie va subir des évolutions structurelles dans les prochaines années. De nombreux challenges sont à relever : décarbonatation des énergies, intégration massive des énergies renouvelables et décentralisées, arrivée des voitures électriques… Heureusement, face à challenges, la technologie évolue elle aussi très rapidement. Par exemple, les nouvelles possibilités offertes par le Big Data vont nous permettre d’être de plus en plus précis dans la qualification et la prédiction des consommations de nos clients.

L’essor des objets connectés (ex. : thermostats ou émetteurs sur des compteurs communicants) devrait également faciliter la pénétration du marché B2C. Aujourd’hui, l’investissement nécessaire pour l’installation du boitier ne favorise pas un ROI attractif pour les particuliers.

 

SpinPart : Que va changer le mécanisme de capacité au business de l’effacement ?

Le mécanisme de capacité génère à tous les sites un coût proportionnel à leur consommation électrique en jours de pointe. Les premières enchères EPEX Spot du 15 décembre 2016 ont fixé le prix de la garantie de capacité à 10 000 € / MW, ce qui était conforme à nos prévisions. Les prochaines enchères sont attendues en avril, novembre et décembre 2017.

En demandant à NextFlex de certifier sa capacité d’effacement, et de la valoriser, un site peut obtenir des « garanties de capacité » qui pourront, soit être déduites de ses « obligations de capacités », soit revendues sur le marché de capacité.

 

SpinPart : En quoi les micros réseaux autonomes – notamment dans le cadre du développement de l’autoconsommation et des Smart Cities – constituent-ils une opportunité ou une menace pour NextFlex ?

C’est évidemment une opportunité ! Les micros réseaux auront nécessairement besoin d’introduire de la flexibilité dans leur système. On peut même penser que plus le réseau est petit, plus le besoin en flexibilité est élevé. C’est également une très bonne opportunité de développer la flexibilité via des batteries de stockage – ENGIE est d’ailleurs le premier acteur français à valoriser une batterie en France pour faire de la réserve primaire. C’est un pilote pour l’avenir qui s’intégrera parfaitement dans les micros réseaux.

 

SpinPart : Quel(s) débouché(s) imaginez-vous pour l’effacement en capitalisant sur la technologie Blockchain ?

Bien évidemment, ENGIE suit de près la technologie Blockchain. Hasard ou non, l’équipe NextFlex et l’équipe « Blockchain » travaillent à proximité l’une de l’autre…

 

Aurélien MARTIN, SpinPart, Management Consulting, Energie, Utilities & Environnement