Episode 3- Les JO de Paris seront-ils les plus verts de l’histoire ?

16 juillet 2024

Constructions durables, énergies renouvelables, mobilités douces… Les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris se veulent exemplaires en matière de responsabilité environnementale. Par une réduction d’émissions et un système compensatoire, Paris 2024 s’est donné le défi d’atteindre la neutralité carbone. Quels sont donc les moyens engagés pour atteindre l’objectif ambitieux du zéro carbone ? Ces jeux seront-ils les plus verts de l’histoire moderne ?

Réduire l’empreinte carbone : les engagements écoresponsables des Jeux

Dès son dépôt de candidature, Paris 2024 s’est engagé à réduire de moitié son empreinte carbone par rapport aux éditions précédentes. Le Comité d’Organisation des Jeux Olympiques (COJO) prévoit de n’émettre que 1,58 million de tonnes de CO2, contre 3,5 millions lors des Jeux de Londres en 2012 ou Rio en 2016.

Le parc olympique, entre infrastructures existantes, transformées et nouvelles

Parmi les engagements majeurs figure l’utilisation de 95 % d’infrastructures déjà existantes ou temporaires. La majorité des épreuves se dérouleront dans des stades emblématiques comme Roland-Garros, pendant que d’autres prendront place dans des sites iconiques de Paris, comme le Champ-de-Mars ou le Grand Palais, transformés en stades éphémères pour l’occasion. L’objectif est de diminuer l’empreinte carbone tout en mettant en valeur la richesse architecturale du patrimoine français.

Globalement, la majorité des sites olympiques et projets sont dotés d’une certification environnementale (ou en phase de l’être) comme le Paris La Défense Arena et sa certification “Haute Qualité Environnementale”.

Concernant les constructions nouvelles, comme le centre aquatique de Saint-Denis, elles ont été conçues selon des standards environnementaux stricts, visant à limiter leur impact tout en préservant leur efficacité sur le long terme.

 

Le village Olympique et Paralympique à Saint-Denis, un modèle de durabilité

Construit majoritairement en matière biosourcée, il utilise un système de refroidissement à base d’eau et un chauffage géothermique pour s’adapter aux variations de température. Des purificateurs d’air novateurs dépollueront l’air à 95% de ses particules fines et des panneaux photovoltaïques fourniront l’électricité. Et après ? Le village sera transformé en logements et en bureaux pour près de 12000 personnes, assurant une utilisation durable des installations. Certains équipements fabriqués en matière recyclée comme les lits en carton et les matelas (fabriqués à partir de filets de pêche) seront ensuite recyclés à nouveau, participant à une économie circulaire.

Ecologique et économe

La société Solideo, chargée de construire les infrastructures olympiques, n’a pas utilisé la totalité des financements publics alloués. L’établissement public a donc décidé, le 3 juillet, de restituer 39 millions d’euros à l’État et aux collectivités locales impliquées dans les Jeux de Paris 2024. Une partie de cette somme servira à financer l’organisation structurellement déficitaire des Jeux paralympiques.

Les énergies renouvelables

En termes d’énergies, les JO de Paris 2024 ont pour objectif d’alimenter tous les sites de compétition en électricité 100% renouvelable (provenant de parcs éoliens et solaires d’EDF). Pour des sites temporaires comme la tour Eiffel, Paris 2024 utilisera une nouvelle solution développée par Enedis : des bornes électriques rétractables installées sous la chaussée qui permettront d’éviter l’utilisation de groupes électrogènes diesel (utilisés traditionnellement).

Les transports : vers une mobilité douce

Les déplacements représentent également un défi majeur. Grâce aux travaux du Grand Paris, 100 % des sites olympiques 

seront desservis par les transports en commun et 10 nouvelles lignes de navettes décarbonées pourront emmener les spectateurs gratuitement sur les sites éloignés. Le centre-ville de Paris sera partiellement fermé aux véhicules individuels encourageant les mobilités douces comme les vélos.

Pour anticiper les déplacements durant les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, une carte interactive a été mise en place par le ministère chargé des Transports. Accessible à tous les Franciliens, cette carte permet de visualiser, heure par heure, les impacts et perturbations prévus sur les déplacements en Île-de-France. Face aux enjeux environnementaux, cela permettra d’encourager les mobilités bas carbone tout en fluidifiant le trafic. Ceci est cependant à relativiser au regard de la hausse des prix des titres de transport, doublée pour la plupart.

Une alimentation plus locale et plus végétale

Alors que la France est connue mondialement pour sa gastronomie, les Jeux seront l’occasion d’être une vitrine de l’alimentation raisonnée en servant plus de 13 millions de repas responsables. Bénéficiant d’un écosystème alimentaire riche et engagé, la France a consulté 120 organisations et 200 athlètes pour construire un programme alimentaire durable et réaliste. Parmi les engagements phares retenus : deux fois plus de végétal, 80% de produits origine France, 100% des aliments non consommés valorisés.

Défis et controverses autour des Ambitions Carbone de Paris 2024 

Paris 2024 veut inspirer une dynamique positive entre sobriété, innovation et compensation. L’objectif d’empreinte carbone fait part intégrante de la stratégie globale du Comité, et ne se contente pas d’un bilan a posteriori des Jeux comme auparavant (cf. figure).

 

 

Malgré les avancées, des doutes subsistent quant à la possibilité de réaliser un événement véritablement écologique. Madeleine Orr, professeurs de l’écologie su sport, souligne que l’ampleur des Jeux et leur consommation massive de combustibles fossiles rendent difficile la mise en œuvre d’un programme de développement durable authentique.

Jean-Marc Jancovici met en exergue également que les Jeux sont devenus un “événement démesuré”. Même si le bilan carbone a été réduit, il reste significatif. Les critiques pointent également le greenwashing, le manque de transparence des organisateurs et les compensations carbone. Qualifiées de « colonialisme du carbone », celles-ci suscitent des doutes quant à leur efficacité réelle.

Dommages environnementaux et contradictions écologiques

L’atteinte aux récifs coraliens à Tahiti

L’installation des infrastructures pour les épreuves de surf à Teahupo’o à Tahiti a suscité de vives critiques en raison des dommages causés aux récifs coralliens. Une pétition a recueilli plus de 250 000 signatures pour solliciter l’abandon de cette construction. En outre, l’empreinte carbone des déplacements entre Tahiti et Paris, distants de plus de 15 000 km, soulève des questions sur l’engagement réel de l’organisation en matière de durabilité écologique.

Le skatepark, « l’avalanche de béton » de la Concorde

À Paris, des dommages similaires sont également observables, notamment avec la construction d’un skatepark sur la place de la Concorde. Mediapart qualifie ce projet « d’avalanche de béton », dénonçant l’utilisation de ce matériau destructeur pour l’environnement. Cette initiative, jugée inutile, met en lumière les contradictions entre les ambitions écologiques proclamées par les organisateurs et les réalisations concrètes.

Le choix de sponsors controversés

En outre, les sponsors des Jeux Olympiques soulèvent des critiques indirectes sur l’écologie de l’événement. Avec des entreprises telles que Coca-Cola, Toyota et Samsung, souvent considérées comme des méga-pollueurs, parmi les sponsors, le Comité International Olympique est accusé d’être « l’un des plus grands champions de l’écoblanchiment ».

La remise en cause du système de compensation carbone

Paris 2024 a choisi de retenir le périmètre le plus large, le scope 3, pour déterminer le montant d’émissions de CO2 à compenser. Ce scope inclut les impacts indirects des Jeux comme les déplacements en avion des spectateurs, athlètes et officiels. Celui-ci constitue le plus gros poste d’émissions, sans action concrète pour les réduire. Toutes ces émissions devront être compensées par des projets éco-responsables** pour atteindre la neutralité carbone. Cependant, ce système de compensation est sujet à controverses. Des incertitudes subsistent quant à l’exactitude des calculs d’émissions, l’impact réel des investissements et l’efficacité des projets.

Martin Muller, professeur à l’université de Lausanne spécialisé sur la durabilité des événements sportifs, affirme que ces compensations hypothétiques promettent plus que ce qu’elles ne compensent réellement. Un exemple type de projet souvent engagé par le CIO des Jeux est la plantation d’arbres en Afrique. Or selon des études, l’impact net de ces actions serait presque nul en raison de l’écosystème naturel de la zone. Aussi, les compensations ne seraient effectives qu’après une trentaine d’années avec une croissance des arbres non garantie en raison des désastres climatiques.

Conclusion

Face aux enjeux climatiques, les Jeux Olympiques de Paris 2024, doivent concilier attentes du public, impératifs environnementaux et faisabilité économique. En partenariat avec certains acteurs du secteur privé, le secteur public doit jouer un rôle central pour garantir la réussite de cette édition et forger un héritage fort. Les promesses écologiques de Paris 2024 seront jugées sur leur capacité à réduire concrètement l’empreinte environnementale des Jeux tout en offrant un événement exemplaire

Selon Jules Boycoff, pour que les Jeux Olympiques atteignent une véritable durabilité, il est essentiel de réduire leur envergure, de limiter le nombre de touristes provenant de destinations lointaines, de rendre leurs chaînes d’approvisionnement plus écologiques et d’améliorer la transparence. Les Jeux de Paris 2024 devront équilibrer les attentes du public, les impératifs environnementaux et la faisabilité économique pour laisser un héritage positif et inspirer les futures éditions.

Les regards se tourneront à nouveau sur la France lors des Jeux Olympiques d’hiver de 2030 dans les Alpes. En poursuivant les engagements pris sur la sobriété, l’objectif sera de montrer la possibilité d’organiser des Jeux durables même dans un monde où la neige se raréfie. L’Etat est en bonne voie pour relever ce défi au regard de ses innovations constantes, tant organisationnelles que technologiques.

*soit 1% du budget Cojo qui s’élève à 4,4 milliards d’euros en juin 2024 , le budget total définitif sera révélé par la Cour des comptes à l’automne 2025

** projets déployés depuis 2021 comme des projets de reforestation, préservation des forêts, énergies renouvelables

 

Article rédigé par: Augustin Benoist, Clara de Bast et Grégoire Cronenberg

 

Sources :

https://www.francetvinfo.fr/les-jeux-olympiques/paris-2024/jo-de-paris-2024-la-promesse-de-jeux-olympiques-ecologiques-est-elle-credible_5796692.html

https://www.lemonde.fr/sport/article/2023/05/24/des-jo-positifs-pour-le-climat-l-impossible-promesse-des-jeux-de-paris-2024_6174572_3242.html

https://olympics.com/fr/paris-2024/nos-engagements/evaluer-notre-impact/rapport-heritage-developpement-durable

https://www.france.fr/fr/article/paris-2024-jeux-olympiques-durables-responsables/#construire-moins-et-mieux-avec-des-materiaux-durables-2

https://generation.paris2024.org/ressources/carte-des-jeux-de-paris-2024

https://anticiperlesjeux.gouv.fr/actualit%C3%A9s/carte-interactive-anticiper-vos-deplacements-jeux

https://www.polytechnique-insights.com/tribunes/planete/peut-on-veritablement-mesurer-lempreinte-ecologique-des-jo/

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