Le développement des Smart Grids met sur le devant de la scène l’utilisation de services et d’équipements télécoms par les Utilities. Pourtant, la relation inverse existe également : les flux et infrastructures d’énergie, d’eau ou encore d’éclairage, peuvent être des supports de déploiement de nouveaux systèmes de télécommunication. Dans un contexte de pression économique, ces utilisations peuvent-elles constituer des relais de croissance ?

Utiliser les infrastructures existantes comme support aux systèmes de télécommunication…

Les gestionnaires de réseaux exploitent un vaste ensemble d’installations physiques sur tout le territoire. Il s’agit là d’un atout pour développer des activités annexes à leur cœur de métier, notamment dans le secteur des télécommunications. Par exemple, depuis les pylônes électriques, la propagation des signaux de télécommunication au-dessus des obstacles physiques proches du sol est facilitée.

Des réseaux d’infrastructures qui s’étendent sur tout le territoire français (quelques exemples) :

Réseau de transport d’électricité : plus de 100 000 km

Réseau de distribution de gaz : 200 000 km

Réseau de distribution d’électricité : 1,3 million de km

RTE l’a bien compris en créant une filiale (Arteria) qui commercialise des « points hauts » du réseau de transport d’électricité, pour que les entreprises de télécommunications y installent des équipements radioélectriques(1).

Le déploiement de la fibre permet également de trouver de nouvelles utilisations à ces infrastructures existantes. Si les opérateurs télécoms peuvent compter sur des espaces libres sous la voirie dans les villes, réaliser des tranchées dans les espaces moins denses serait trop coûteux(2). Les câbles électriques aériens sont donc utilisés comme support pour l’installation des câbles optiques. Mais il ne s’agit pas de la seule possibilité : réseaux de collecte des eaux usées, d’éclairage public ou encore conduites de gaz non utilisées sont autant d’armatures potentielles pour le déploiement de la fibre. Par exemple, la ville de Paris autorise et encourage depuis 2006 le passage des câbles optiques dans les égouts qui deviennent une « galerie technique », au-delà de leur fonction d’assainissement(3).

… ou superposer des télécommunications aux flux existants

Ces infrastructures peuvent également être mises à profit par l’utilisation des flux qu’elles font circuler comme vecteur de télécommunications. Un exemple connu est celui du Courant Porteur en Ligne (CPL) dont les premières expérimentations remontent aux années 1950(4). Son principe est le suivant : un signal à fréquence radio de faible énergie est superposé au courant du réseau électrique. Ce signal permet de faire circuler de l’information entre différents points du réseau. Des applications existent déjà dans la domotique, pour la création d’un réseau internet local(5) ou encore pour le compteur communicant Linky qui envoie des informations par CPL à des « concentrateurs » installés dans les postes de distribution.

Un autre exemple utilise les flux lumineux : le Light Fidelity (Li-Fi), cousin du Wi-Fi. Comme ce dernier, il fonctionne par la propagation sans fil d’ondes électromagnétiques, mais dans le spectre visible, à la différence du Wi-Fi. Le signal de télécommunication correspond ainsi à de rapides variations d’amplitude imperceptibles à l’œil, émises par des ampoules LED. Le développement de cette technologie, qui s’est largement améliorée au cours des dernières années, a permis de trouver une nouvelle application à des infrastructures que l’on retrouve sur tout le territoire. Les réseaux d’éclairage public peuvent à présent devenir le support de télécommunications pour des objets connectés (IoT). Une limite importante réside toutefois dans la portée du signal qui ne peut à ce jour dépasser la dizaine de mètres et ne passe pas au travers des objets opaques, et donc en particulier au travers des murs.

Des opportunités avec le déploiement de la Smart City mais des freins réglementaires et organisationnels

Certaines applications existent donc déjà et d’autres usages sont envisagés par un nombre croissant d’acteurs. Le CPL et le Li-Fi sont par exemple perçus comme des outils du développement de la Smart City.

Le premier pourrait devenir un instrument incontournable des Smart Grids et donc permettre aux opérateurs du réseau électrique de développer de nouveaux services liés ou non à la distribution d’énergie. De son côté, le Li-Fi est présenté comme une alternative très sérieuse au Wi-Fi ou au Bluetooth pour les collectivités qui souhaitent développer des services numériques, notamment parce que son déploiement est peu coûteux puisqu’il s’appuie sur des réseaux existants(6). En France, la commune de Meyrargues (Bouches-du-Rhône) et un éco quartier de Palaiseau (Essonne) utilisent déjà cette technologie(7).

Pour autant, si elle est avantageuse sur les plans matériel (moins d’infrastructures) et financier (coûts réduits pour toutes les parties prenantes), l’utilisation des infrastructures à des fins de communication peut être complexe, en particulier en raison de :

  • La réglementation : une partie des Utilities évolue dans des secteurs réglementés. Comme RTE, elles devraient donc créer des filiales avec un business model spécifique pour développer ces activités
  • L’immaturité des protocoles : par exemple, les appareils ne sont pas encore conçus pour communiquer avec le Li-Fi et doivent ajouter un adaptateur qui représente un coût supplémentaire

Dans un environnement « multi réseaux », le choix de ces solutions doit être guidé par des questions de coût global (mise en place de l’infrastructure, achat de dispositifs spécifiques…) et d’évolution des standards. Néanmoins, les infrastructures existent et aucun protocole concurrent ne s’est encore imposé comme référence sur le marché. Les opportunités de développement pour les opérateurs des Utilities restent donc importantes.

Notes et références :

  1. Voir le site internet de l’entreprise
  2. La fibre aérienne au service du plan France THD, Silicon.fr, 27 novembre 2015
  3. Rapport annuel sur le prix et la qualité des services publics d’eau potable et d’assainissement. Exercice 2010, Ville de Paris, 2011
  4. CPL – Courants Porteurs en Ligne, CCM, novembre 2003
  5. Le CPL sert aussi à faire communiquer les box internet avec les télévisions.
  6. Le Li-fi entre dans la ville intelligente, Slate, 21 juillet 2015
  7. Li-fi, l’internet bientôt en pleine lumière ?, EDF Pulse