Le durcissement du cadre réglementaire des institutions financières depuis la crise de 2008 s’est traduit par une production de reportings plus denses et complexes.

Quel objectif recherché ? La transparence. Les régulateurs veulent réduire l’asymétrie de l’information entre les banques et leurs parties prenantes.

Quel résultat ? Un foisonnement d’exigences réglementaires et une inflation du nombre de reportings à produire qui met durablement à l’épreuve l’agilité, l’organisation et la performance opérationnelle des établissements financiers.

De la contrainte …

    • La multiplication des reportings réglementaires à l’échelle du secteur financier a deux principales sources.
      – D’un côté, les exigences évolutives en matière de contrôle et de surveillance des régulateurs bancaires tels que l’AMF, l’ACPR et la BCE
      – De l’autre, l’agrégation d’une réglementation non bancaire qui entrent dans le champ d’application des établissements financiers. Les normes comptables, la régularisation fiscale et les législations nationales en sont une illustration.
    • La fréquence élevée, le délai court et le volume important de production constituent autant de coûts opérationnels qui alourdissent le budget des institutions financières. Leur rentabilité, déjà affectée par un contexte économique marqué par la baisse des taux d’intérêt, est alors inhibée par une stratégie de gestion des évolutions normatives « à la marge » plutôt que structurelle.
    • Par ailleurs, à la volumétrie et à la temporalité exigée par les régulateurs s’agrège une complexité spécifique à la gestion des données collectées. Comment stocker des volumes de données massifs, hétérogènes et provenant de sources multiples ? Comment en garantir la traçabilité et la fiabilité ? Pour répondre à ce double enjeu, les établissements bancaires ont dû investi d’importants moyens humains et financiers dans le déploiement d’une gouvernance de la donnée, condition sine qua non d’une mutualisation des dispositifs de production des reportings.
    • Ainsi, bien que des mesures visent à harmoniser les exigences des régulateurs (COREP, IReF), le poids du reporting réglementaire reste important et challenge la capacité des institutions financières à répondre à la réglementation sans détruire de la valeur. A tel point que les régulateurs eux-mêmes réfléchissent à des moyens de réduire le coût de la mise en conformité¹ .

… à l’opportunité : quels sont les enjeux d’une gestion intelligente et « intégrée » ?

La contrainte apparente que constitue l’inflation réglementaire peut et doit conduire les établissements bancaires à repenser leur organisation et leurs processus. Les efforts de mise en conformité leur offrent l’opportunité de rationaliser leur organisation et de moderniser leur système d’information ainsi que leurs processus opérationnels.

    • Rationaliser :

La volumétrie des reportings réglementaires et la diversité des acteurs internes mobilisés dans leur production vient challenger la flexibilité de l’organisation des institutions financières. Celles-ci doivent faire circuler l’information de manière transversale dans une organisation souvent silotée.

Pour répondre aux exigences évolutives des régulateurs, la convergence des processus est une nécessité pour mutualiser les efforts de rapprochement et a fortiori éviter de dupliquer les contrôles. Repenser les interactions entre les équipes tout au long de la chaîne de production est de ce fait un enjeu majeur qui permettra de simplifier le processus.

    • Moderniser :

La cohérence et la qualité des données générées est un enjeu à part entière qui doit amener les institutions à rompre avec l’obsolescence de leur système d’information et à repenser leurs processus opérationnels. Une architecture SI robuste est un prérequis à la mise en place d’un processus centralisé qui améliorera la qualité des données générées, tout en atteignant des fréquences de production plus élevées ainsi que des délais plus courts.

De manière générale, atteindre une maturité digitale en exploitant le potentiel offert par les nouvelles technologies (IA, Blockchain) est une nécessité pour optimiser les processus, anticiper les besoins futurs et évolutifs des régulateurs et répondre aux exigences réglementaires sans détruire de la valeur.

    • Exploiter :
          • La question de la propriété et de l’usage de la donnée collectée doit également être posée.

Depuis la réglementation DSP2, les établissements bancaires ont saisi l’enjeu que constitue la valorisation de leur patrimoine de données. Elle n’est plus stockée passivement mais fait l’objet de nouveaux cas d’usage : développement de produits et de services personnalisés au profit d’une relation client optimisée, amélioration de la compliance sur le dispositif Know Your Customer ….

De manière générale, l’émergence de l’Open Banking et la découverte du potentiel offert par la plateformisation ont démontré qu’un usage proactif et intelligent de la Data est une source pérenne de synergies aussi bien de coûts (optimisation des processus opérationnels) que de revenus (optimisation du pilotage de l’activité commerciale).

          • Face à la massification des reportings, bâtir une base de données pluridisciplinaires et granulaires (Datalake) est un prérequis pour être en conformité tout en créant de la valeur.

Construire un écosystème de données traçables, centralisées et hiérarchisées est un préalable indispensable à leur exploitation. Dans cette configuration, les établissements bancaires améliorent leur capacité à stocker et analyser des données tout en en simplifiant le partage. Le lac de données permet ainsi aux travaux de reporting de gagner en agilité et en efficience tout en ouvrant la voie à de nouveaux cas d’usage offerts par le Big Data.

Pour conclure

 

Pour faire de la réglementation une opportunité, les établissements financiers ne doivent plus la percevoir uniquement comme un inducteur de coûts.

Exploiter le potentiel offert par la réglementation nécessite non seulement de rationaliser l’organisation, de renforcer le socle des compétences digitales des banques mais aussi de responsabiliser les équipes qui interviennent tout au long de la chaîne de production.

 

Comment y parvenir ? Tirer profit de la simplification des processus pour revaloriser le rôle des équipes métier opérationnelles dans la chaîne de valeur compliance. Celles-ci doivent pouvoir se positionner en challengeurs pour donner du sens au reporting lui-même. C’est à cette condition que les processus réglementaires seront à même de créer de la valeur dès lors qu’ils permettront de concilier non seulement les exigences des régulateurs mais aussi les besoins Métier.

Article rédigé par : Sonia BENBERGHOUT 

 

Sources

¹ EBA is looking into ways to reduce reporting costs | European Banking Authority (europa.eu)

ANDREU, L. (2019). Le COREP (Common solvency ratio REPorting), un garant de la stabilité financière qui passe par la supervision bancaire des risques prudentiels.

BAUDOIN, C. (2019). Stratégie bancaire et réglementation, De la contrainte à l’opportunité. DUNOD.

TRICHARD, S. & VERDIN, T. (2021). IReF : un nouveau modèle de reporting qui pourrait remplacer tous les autres. Revue Banque, 855.

Fédération Bancaire Française. (2019, septembre). LA DSP2 ET LES ENJEUX DE SÉCURITÉ (Mémo N°08).