Une nouvelle disposition introduite par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) est entrée en vigueur le 18 août 2016. Elle a pour objet d’interdire aux fournisseurs d’énergie de facturer les consommations d’électricité ou de gaz naturel antérieures de plus de 14 mois au dernier relevé ou auto relevé de compteur.

Quelles motivations à la mise en place de cette mesure et quels en sont les impacts ?

Une disposition à l’initiative du Médiateur National d’Energie…

D’après l’article L.121-91(1) du code de la consommation, les fournisseurs d’énergie ont l’obligation de facturer au moins une fois par an les consommateurs sur la consommation réelle. Pourtant, le Médiateur National d’Energie (MNE :autorité administrative indépendante qui gère les litiges en énergie des particuliers et petits professionnels en cas d’absence de réponse ou insatisfaction 2 mois après la lettre de réclamation) a constaté que certaines factures peuvent comporter des rattrapages remontant à plusieurs années avec des montants allant jusqu’à quelques milliers d’euros pour des particuliers(2).

Or, ce cumul de facturation tardive souvent imprévu dans le budget des ménages, peut être source de précarité énergétique ou d’endettement pour des clients en situation difficile.

Pour éviter de telles situations, l’article 202 de la LTECV limite désormais les rattrapages de facturation à 14 mois au lieu des 24 mois prévus dans le code de la consommation. Cette durée de 14 mois donne un délai suffisant au distributeur pour effectuer le relevé annuel obligatoire et au fournisseur pour établir sa facture.

Quel est le périmètre de la nouvelle directive ?

Depuis quand est- elle est effective ?

A partir du 18 août 2016.

Quels sont les types d’énergie concernés?

  • Electricité
  • Gaz naturel

Quel est le périmètre d’application ?

Aucune consommation d’électricité ou de gaz naturel antérieure de plus de quatorze mois au dernier relevé ou auto relevé ne peut être facturée, sauf en cas :

  • Défaut d’accès au compteur
  • Absence de transmission par le consommateur d’un index relatif à sa consommation réelle, après un courrier adressé au client par le gestionnaire de réseau par lettre recommandée avec demande d’avis de réception Fraude

A noter que pour que la limite de 14 mois s’applique, le consommateur a l’obligation de  laisser un technicien d’accéder au compteur ou en cas d’absence, transmettre lui-même ses index de consommation au distributeur.  Si le distributeur n’a pas pu relever le compteur, ou n’a pas obtenu d’auto relevé de la part du consommateur, il doit adresser au client une lettre recommandée avec demande d’avis de réception lui rappelant la nécessité de transmettre son ou ses index. Si après ce courrier, le client n’agit toujours pas, le fournisseur a alors le droit de facturer des consommations au-delà de 14 mois.

 

… constatant qu’une majeure partie des réclamations est relative à la facturation

Dans son rapport annuel 2015, le MNE indique que la facturation reste le premier motif de litige. « Il s’agit le plus souvent d’estimations de consommation sur de longues périodes qui donnent ensuite lieu à des rattrapages de facturation importants ». En 2015, le montant moyen des rattrapages est de 3 600€ par site et la durée moyenne des régularisations atteint 25 mois ; soit plus de 2 ans !

Source : MNE(2)

Pourquoi existe-t-il des rattrapages de facturation d’énergie ?

La facturation rétroactive est spécifique au secteur de l’énergie et utilities. En effet, les consommateurs d’électricité et/ou de gaz consomment ces énergies avant d’être facturés. Et de par sa composition, les tarifs sont en constantes variations.

Pour un consommateur moyen type client résidentiel, les rattrapages proviennent de(3) :

  • L’écart entre l’estimation et le réel
  • L’évolution des tarifs et taxes
  • Les éventuels changements de situation propre au foyer (ex. : nouvel équipement, changement de composition du foyer, amélioration de l’isolement du logement, nouvelles habitudes de consommation…)

Que ce soit pour l’électricité ou le gaz, le distributeur ne relève l’index souvent qu’une à deux fois par an. Le reste de l’année, les factures sont basées sur des estimations faites à partir des précédents relevés. Et en fonction de l’offre souscrite, une pondération variable selon les mois de l’année est ensuite appliquée.

Source : Analyse SpinPart à partir des données de la CRE(4)

Une facturation au plus près de la réalité pour les consommateurs et des efforts supplémentaires pour les énergéticiens à court terme

Avec la limitation de facturation à 14 mois, les consommateurs vont théoriquement bénéficier d’une facturation à temps « plus juste ». La mesure devrait bénéficier en premier lieu aux consommateurs en situation de précarité énergétique qui représente un foyer sur cinq(2).

Quant aux fournisseurs, il va vraisemblablement perdre les revenus sur la fourniture des clients finaux dont il n’aura pas pu collecter les relevés. A cela s’ajouteront des coûts de traitement induits par :

  • l’identification et la gestion systématique des consommateurs concernés
  • la prise en compte de nouveaux paramètres dans le processus de facturation/recouvrement et la gestion des litiges avec les consommateurs

Côté distributeurs, cette mesure aura également quelques impacts. En effet,  par « effet rebond », ENEDIS et GRDF pourraient ne pas collecter la partie acheminement due par les fournisseurs, pour l’ensemble des factures impayées.

Aussi, dans les cas où le distributeur estime ne pas être responsable d’une absence d’index réel, il va devoir gérer l’envoi de lettres en recommandé avec accusé de réception (LAR) afin de pouvoir déroger à ce délai de 14 mois.

En outre, l’image de marque des distributeurs pourrait être ternie par l’envoi de courrier LAR aux clients rendu obligatoire par cette nouvelle diapositive. Face à cette communication, il peut y avoir une mécompréhension et donc mécontentement des consommateurs mal informés.

A noter que l’auto relevé ne dispense pas le relevé des index par le gestionnaire de réseau. Si le compteur n’a pas été relevé au cours de douze mois à cause de l’absence du client, le distributeur pourra proposer à ce dernier de planifier un relevé spécial(5) payant à la charge du client.

 

Une mesure allant dans le sens des compteurs communicants

Cette nouvelle mesure ne devrait être que « transitoire » en vue du déploiement massif des compteurs communicants est en marche en France : depuis fin décembre 2015 pour le projet Linky d’ENEDIS et à partir de 2017 pour le projet Gazpar de GRDF.

En effet, un des premiers bénéfices de la mise en place de ces compteurs est de pouvoir facturer au plus juste des consommations réelles avec la communication des index automatique au gestionnaire de réseaux. Les décalages entre consommation et facturation ne devraient donc plus être un sujet majeur de réclamations demain.

 

Références :

  1. Code de la consommation Article L121-91 – Legifrance
  2. Rapport d’activité 2015 – MNE
  3. Comment sont calculées mes factures EDF?
  4. Observatoire des marchés de l’électricité et du gaz naturel – Marchés de détail 1er trimestre 2016 – CRE
  5. Relevé des compteurs et calcul de la consommation – énergie-info