Episode 2 – Les JO, la sécurité à tout prix
04 juillet 2024Les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 promettent d’être un événement mondial spectaculaire, rassemblant plus de 10 500 athlètes et 13,5 millions de spectateurs. Plus que jamais hors des stades, cette célébration du sport pose également d’importants défis sécuritaires, notamment en raison des risques accrus de terrorisme et de désordre public. Face à ces enjeux, le secteur public s’est mobilisé dans son intégralité pour assurer que les Jeux se déroulent dans un environnement sûr et sécurisé.
Les technologies au cœur du dispositif sécuritaire
La vidéo surveillance se dote d’intelligence
À l’approche des JO, la France a adopté des technologies de sécurité de pointe, notamment les caméras dites « augmentées ». Celles-ci utilisent un logiciel algorithmique pour analyser en temps réel les images capturées par le réseau de vidéo-surveillance standard (caméras) et renforcé (drones, aéronefs). L’intelligence artificielle détecte automatiquement des situations à risques telles que les intrusions en zone interdite ou les départs de feu.
Elle fiabilise ainsi la surveillance et permet une intervention rapide en cas de danger.
Toutefois, cette vidéo surveillance augmentée, testée massivement sur le réseau de transport et lors d’évènements récents tels que Roland Garros, soulève plusieurs préoccupations.
Jusqu’où va cette vidéo surveillance ? Et comment est encadré le dispositif ?
Afin de prévenir toute atteinte aux libertés individuelles, l’Assemblée Nationale a encadré rigoureusement l’utilisation de ces technologies. Une législation de 2023 autorise leur expérimentation jusqu’au 31 mars 2025 et interdit strictement la reconnaissance faciale et tout système d’identification biométrique. En outre, la vidéo surveillance algorithmique est restreinte à huit cas précis comprenant les mouvements de foule inhabituels, la présence d’une personne au sol, ou bien celle d’un port visible d’armes.
Les innovations à la française pour faire face aux menaces extérieures
L’Etat a pu s’appuyer sur le savoir-faire français pour concevoir des technologies capables de répondre aux enjeux sécuritaires, au sol comme dans les airs. On peut compter parmi elles :
- le système anti-drone “Skyjacker” de Safran contre les menaces aériennes : cette innovation se base sur système de brouillage GPS, qui consiste à détecter les drones malveillants et leur envoyer de faux signaux GPS.
- Les portiques de la start up Labcoor pour renforcer les points de contrôle traditionnels : grâce à l’IA, ces portiques novateurs pourront contrôler jusqu’à 3700 personnes par heure et détecter les ceintures d’explosifs, plusieurs types d’armes et certains liquides inflammables.
Un contrôle des accès renforcé grâce au laissez-passer numérique
Afin de renforcer la sécurité et gérer efficacement les flux, la Préfecture de Police de Paris a règlementé l’accès autour des sites olympiques sur l’appui d’une solution digitale. Les personnes autorisées devront présenter aux forces de l’ordre un laissez-passer numérique appelé “Pass Jeux” qu’il est possible de télécharger via une plateforme dédiée.
Une grande attention a été portée sur la communication digitale pour faciliter la prise en main de ces technologies numériques par les usagers. Pour en savoir plus, nous vous donnons rendez-vous pour notre épisode #4, dédié aux innovations déployées dans le cadre des JO.
Un effort global pour assurer la sécurité des athlètes et des spectateurs
Une mobilisation exceptionnelle sur le terrain…
Le Ministère de l’Intérieur a érigé la sécurité des JO en priorité absolue. Environ 30 000 policiers et gendarmes seront déployés, avec des renforts pouvant atteindre jusqu’à 45 000 agents lors de la cérémonie d’ouverture. Cette mobilisation sans précédent inclut aussi l’activation d’un centre national de commandement stratégique, chargé de coordonner les opérations de sécurité sur l’ensemble des sites olympiques.
Figure : les responsabilités en matière de sécurité sur les sites, issue du dossier de candidature de Paris 2024*.
Reconnaissant l’ampleur du défi, la défense française a sollicité l’aide de différents acteurs externes pour renforcer les effectifs :
- Forces militaires et de police étrangères : plus de 2 000 personnes qualifiées, issues d’une trentaine de pays étrangers, soutiendront la France sur des missions précises. A titre d’exemple, la Pologne enverra des brigades cynophiles (maîtres-chiens) pour compléter les moyens français en matière de détection d’explosifs.
- Agents de sécurité du secteur privé : en moyenne, 20 000 agents privés devront être mobilisés chaque jour pour assurer la sécurité des sites olympiques, un défi de taille qui mobilise l’ensemble du marché de la sécurité privée. Pour répondre à ce besoin urgent, l’État a lancé un plan de soutien via France Travail ciblant les demandeurs d’emploi et les étudiants. Alors que les objectifs d’effectifs ne sont pas encore atteints, ces « externes » représentent un risque supplémentaire et nécessitent une vérification de profil. Fin juin, Gérald Darmanin a annoncé que sur 552 642 enquêtes administratives, 2 720 personnes ont été exclues (pour antécédents judiciaires ou islam radical à titre d’exemple).
… et derrière les écrans, avec une attention particulière portée sur les risques cyber
Les Jeux Olympiques sont une cible de choix pour les cybercriminels qui cherchent à profiter de la visibilité mondiale de la manipulation de données sensibles. Que ce soit pour espionner, monnayer ou déstabiliser (cf. figure), les menaces informatiques ont significativement augmenté au cours des précédentes éditions. En mai dernier, trois experts en cyber criminalité ont estimé que le nombre de cyber-attaques pourrait s’élever à 4 milliards à Paris, soit huit à dix fois plus que lors des Jeux de Tokyo en 2021. Rancongiciel*, attaques par déni de service** ou encore sites de billetterie frauduleux, les méthodes d’attaques sont diverses et parfois très sophistiquées.
Figure : Evaluation des niveaux de menace pesant sur les grands évènements sportifs, barème AMR, avril 2023, issue du rapport “Grands évènements sportifs – Évaluation de la menace” du CERT-FR
Face à cette menace de taille, la France a chargé l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) de piloter la stratégie de prévention des cyberattaques pour les Jeux.
Elle s’articule autour de 3 axes :
- Actions préventives pour sécuriser les systèmes et protéger les données : un budget de plus de 10 millions d’euros a été alloué pour accompagner les entités dites “sensibles” (collectivités et opérateurs de l’Etat) sur la sécurisation de leurs systèmes d’information ;
- Action de sensibilisation pour éveiller l’écosystème des Jeux : un programme de communication a été lancé pour informer plusieurs centaines d’acteurs sur les risques cyber. Il s’agit également de diffuser des recommandations et bonnes pratiques en matière de cybersécurité. Pour comprendre et savoir agir face aux risques cyber, rendez-vous sur la plateforme du gouvernement dédiée, les entités de toute taille sont concernées! Cliquez ici
- Actions réactives et formation : l’ANSSI a défini un dispositif opérationnel de veille, alerte et gestion des incidents informatiques. Plusieurs exercices de simulation ont été organisés pour tester les réponses à des scénarios catastrophes, comme des attaques perturbant la cérémonie d’ouverture ou le chronométrage des événements. Aussi, des « kits d’exercices » sont publiquement disponibles pour permettre aux acteurs des Jeux de se préparer en conditions réelles.
Les efforts déployés sur le territoire français sont couplés à une collaboration internationale et un partage d’informations qui sont essentiels à la sécurité globale. Les agences internationales peuvent notamment aider à détecter les menaces, évaluer les capacités de riposte ou encore identifier l’origine des attaques. Ces efforts sont cruciaux étant donné les risques provenant potentiellement d’états hostiles, avec une attention particulière sur la Russie en raison de précédents lors de récents événements internationaux.
Conclusion
Dans un contexte terroriste et géopolitique complexe, la sécurité des Jeux Olympiques de Paris 2024 est plus que jamais sur le devant de la scène .
De Paris à Tahiti, 39 sites olympiques accueilleront les compétitions rompant avec la concentration géographique traditionnelle et multipliant ainsi les besoins en sécurité. La France s’engage donc de façon inédite pour assurer la protection des athlètes, des spectateurs et des infrastructures.
Le dispositif sécuritaire repose sur une combinaison de technologies innovantes, d’une mobilisation humaine exceptionnelle, d’une collaboration internationale précieuse et de mesures préventives rigoureuses. Grâce à ces efforts concertés, l’Etat vise à faire des JO de Paris 2024 non seulement une célébration du sport inédite, mais aussi un modèle de sécurité et de technologie pour l’avenir.
Article rédigé par: Augustin Besnoit et Clara de Bast
Sources :
Sécurité des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 : enjeux et défis
Paris 2024 : protéger, la priorité ! | Ministère de l’Intérieur et des Outre-mer (interieur.gouv.fr)
5 points à retenir sur le plan de sécurité mis en place pour les JO de Paris 2024 – Capital.fr
Cybersécurité : quelle stratégie pour les JO de Paris 2024 ? – Les Numériques (lesnumeriques.com)
Sécurisation des Jeux Olympiques : découvrez le système Skyjacker de Safran (science-et-vie.com)
JO 2024 Loi du 19 mai 2023 Jeux Olympiques et Paralympiques | vie-publique.fr
JO et JOP 2024 : les périmètres de sécurité autour des sites | info.gouv.fr
Une coopération internationale pour sécuriser les Jeux olympiques (lefigaro.fr)
*Rançongiciel : attaque qui bloque l’accès aux appareils ou fichiers d’une victime et exige une rançon pour le rétablir
**Attaque par déni de service : toutes les actions malveillantes provoquant la mise hors ligne d’un serveur