Le contexte actuel de lutte contre le réchauffement climatique ne cesse d’animer le débat public, notamment dans le secteur de l’énergie. Alors qu’au nom de cette lutte certains prônent une sortie rapide du nucléaire, les défenseurs de l’atome recommandent le maintien voire même le développement de l’énergie nucléaire. Nucléaire et écologie sont-ils incompatibles ? Quelle est la place optimale de l’énergie atomique dans le mix énergétique décarboné de demain ?


 

Une énergie souvent critiquée …

Source : www.electricitymap.org​

Bien que l’utilisation massive du nucléaire permette à la France de se classer parmi les bons élèves en matière d’émissions de carbone (voir carte ci-contre) l’énergie atomique continue de diviser l’opinion publique française (53% des Français seraient contre cette énergie selon un sondage réalisé pour Challenges).

Cette hostilité envers l’énergie nucléaire s’est accrue à la suite de la catastrophe de Fukushima survenue en mars 2011. Cet accident est devenu le fer de lance des ONG et des partis « écologistes » qui communiquent sur les risques sanitaires et économiques liés au nucléaire. Plus important, la catastrophe de Fukushima a entrainé une anticipation de fermeture des centrales nucléaires par des pays tels que l’Allemagne, la Belgique ou encore l’Espagne (dont les dates de fin de sorties de l’énergie atomique sont respectivement prévues en 2022, 2025 et 2036).

Outre les risques inhérents à une catastrophe nucléaire, ses détracteurs dénoncent également la production de déchets radioactifs (environ 2 kg par habitant et par an) aujourd’hui stockés dans des centres ou enfouis à 500 m de profondeur, faute de solutions pérennes ou viables de recyclage.

… Pourtant considérée comme incontournable 

Une énergie considérée comme incontournable pour le « père » des climatologues, James HANSEN. Bien que l’utopie du « tout renouvelable » et une sortie complète du nucléaire prônés par la plupart des partis écologistes et ONG en séduisent plus d’un, le nucléaire continue d’être considéré comme un atout indispensable pour bon nombre de climatologues.

En effet, face au réchauffement climatique et à la demande d’électricité qui devrait continuer à croître dans les prochaines années (véhicules électriques, digitalisation accrue, etc.), d’éminents climatologues et économistes voient en l’énergie nucléaire l’alternative idéale aux énergies fossiles. Notamment, dans son rapport du 6 octobre 2018, le GIEC (Groupement International d’Experts pour le Climat) qui présente le consensus scientifique mondial sur les questions climatiques dont les trajectoires de réduction des émissions de gaz à effet de serre, estime que le nucléaire est une énergie incontournable pour limiter le réchauffement climatique (Rapport GIEC).

Les arguments en faveur du nucléaire sont nombreux et majeurs, puisque ce dernier offre aux états la possibilité d’une production massive d’électricité bas carbone (les faibles émissions de CO2 du nucléaire sont comparables voire inférieures à celles de l’éolien).

De plus, l’énergie nucléaire occupe une faible surface au sol (et laisse donc plus de place pour la biodiversité) et nécessite peu de matière première rapportée à la puissance fournie.

Et surtout, elle présente l’énorme avantage d’être pilotable pour répondre efficacement aux variations de la demande, contrairement aux ENR dont la production dépend des conditions climatiques et n’est pas ajustables en fonction des besoins.

Bilan des émissions de CO2 des différentes sources d’énergie selon le GIEC (g de CO2/kWh)​ – Source : EDF

Le nucléaire consomme peu de ressources naturelles puisque 96% du combustible usé est retraité, réenrichi et réutilisé sous forme de combustible MOX (mélange de 93% d’oxyde d’uranium et de 7% d’oxyde de plutonium) ou d’URE (uranium de retraitement). Par ailleurs, parmi les déchets restants, seuls 0,2% (environ 1 cuillère à café par personne par an) sont classés en hautement radioactifs et à vie longue (destinés à être enfouis en couche géologique profonde). En effet, 99,8% de ces déchets (outils, gants, etc.) sont aujourd’hui stockés dans des centres spécialisés car considérés de très faible à moyenne activité et 91% d’entre eux ont une durée de vie courte (demi-vie inférieure ou égale à 31 ans).

Enfin, pour réduire drastiquement les risques d’accidents, les centrales nucléaires françaises sont contrôlées et surveillées par l’ASN (Agence de Sureté Nucléaire) et les experts techniques de l’IRSN afin de s’assurer du respect des exigences de la réglementation en matière de sûreté nucléaire. Cette surveillance se traduit par de nombreuses inspections ainsi que la rédaction de dossiers de sureté, véritable feuille de route pour les exploitants du nucléaire[1].

… Et indispensable au développement du renouvelable

Les « anti-nucléaires » prônent une sortie complète du nucléaire d’ici 2050 et un mix électrique entièrement renouvelable. Cette solution ne semble toutefois pas envisageable puisque les énergies renouvelables (qui rejettent autant voire plus de CO2 que le nucléaire) seraient incapables de répondre au besoin d’une production d’électricité fiable, pilotable et massive.

A titre d’exemple, une capacité de production totale de l’ordre de 29 GW de nucléaire correspond à une capacité de production de 110 GW d’éolien onshore (environ 4 fois plus que le nucléaire) ou de 220 GW de solaire photovoltaïque (environ 7 fois plus) compte tenu de l’intermittence de la production d’électricité issue de ces énergies.

Pour lutter efficacement contre le réchauffement climatique, pourquoi ne pas s’appuyer  sur la complémentarité de toutes les énergies bas-carbone, qu’elles soient nucléaires et renouvelables ?

Ces deux approches pourraient être complémentaires, d’autant que remplacer à court-moyen termes l’énergie nucléaire par du renouvelable pourrait avoir de lourdes conséquences financières sans réelle valeur ajoutée pour le climat. L’échec du plan d’investissement massif engagé par l’Allemagne en est la parfaite illustration : la perte de capacité de production d’électricité engendrée par fermeture des centrales nucléaires n’a pas été compensée par le seul développement des énergies renouvelables (capacité trop faible) mais également par les centrales à charbon hautement polluantes.

Le nucléaire, en plus de fournir une électricité décarbonée à moindre coût, est un socle indispensable pour le développement des énergies renouvelables car il permet de sécuriser la production d’électricité en palliant les intermittences de ces dernières.

L’enjeu climatique pour la France, dont l’électricité est déjà décarbonée (94%), n’est donc pas de sortir du nucléaire, mais bien de l’exploiter aux côtés des ENR pour décarboner d’autres secteurs consommateurs d’énergie fossile tels que les transports ou l’habitat.