Selon l’ONU, à l’horizon 2030, plus de 80% de la population française sera en milieu urbain1. Cette intensification de l’urbanisation implique une demande croissante des ressources et plus particulièrement de l’électricité qui estindispensable pour le quotidien des citadins de plus en plus dépendants des équipements électroniques dans le cadre de la révolution numérique. En parallèle des efforts en efficacité énergétique, nous cherchons à produire plus d’électricité de proximité. Les bâtiments qui sont omniprésents dans les villes sont  ainsi entrés dans notre champ de réflexion comme sources de production d’électricité.

Au-delà les tuiles solaires largement médiatisées par Elon Musk2, quelles sont les autres solutions de production d’énergie ? Ne pouvons-nous pas exploiter les autres parties des bâtiments ? Ces nouveaux moyens sont-ils assez rentables et stables au regard des cadres technologique et réglementaire ?

 

De nouvelles solutions innovantes de production d’électricité pour équiper la maison du sol au plafond…

L’habitat et le tertiaire sont les secteurs les plus énergivores (vs. Industrie, Transports urbains et ferroviaires, Sidérurgie, Agriculture)3. L’électricité y représente la majeure partie soit 37% de la consommation globale. La production d’électricité par les bâtiments représente ainsi un enjeu important pour les villes. Et les solutions innovantes visent à exploiter toutes les surfaces potentielles.

Panneaux photovoltaïques (PV)

Très souvent confondu avec son cousin le panneau solaire thermique qui génère uniquement de la chaleur, le panneau solaire photovoltaïque capte les rayons solaires via les cellules qui les transforment en électricité. Cette électricité produite peut soit être consommée instantanément, soit stockée à l’aide de batteries. Pour l’usage de l’électricité dans le chauffage d’habitation, il est possible de faire appel à des panneaux aérovoltaïques qui combinent respectivement le principe de production d’électricité et celui de la chaleur sur les deux faces du panneau.

Sur les bâtiments urbains, ils sont généralement posés sur les toits. Pour une installation de panneaux photovoltaïques simples n’excédant pas 3kWc, le montant de l’investissement initial est de 13 k€ environ hors subventions4. Et parmi les fabricants, nous retrouvons aussi bien des filiales des énergéticiens tels que Sunpower (Total), Photowatt (EDF) que des spécialistes comme Solarworld.

Tuile solaire

Considérée comme la version améliorée des panneaux solaires, la tuile solaire possède les mêmes dimensions, caractéristiques et garanties que les tuiles en terre cuite traditionnelles. Elles sont ainsi moins chères et plus esthétiques qu’un mix tuiles et panneaux solaires que l’on voit communément sur les toits.

Le principe est d’intégrer les cellules photovoltaïques en silicium cristallin à haut rendement dans des tuiles en verre moulé. Tesla a récemment communiqué sur cette technologie lors de sa fusion avec SolarCity2, et de nombreuses sociétés se sont positionnées sur cette niche grâce à la facilité d’application.

Micro-éolienne

Contrairement aux milieux ruraux, les villes présentent une typologie de vents irréguliers et changeants. Pour s’adapter à cet environnement, des micro-éoliennes sont ainsi le plus souvent utilisées. Elles sont composées d’un aérogénérateur vertical dont le mécanisme oriente automatiquement les pales lors de leur rotation autour d’un mât. Il faut compter entre 10 k€ et 70 k€ pour une puissance de 1 kW à 15 kW5. Relativement plus onéreux que le photovoltaïque, il existe néanmoins des solutions économiquement intéressantes.

On peut citer parmi elles, le modèle économique en open source d’Urbolienne6 ou encore la fabrication des composants par impression 3D dont le prototype a été présenté lors de COP21 à Paris fin 2015 par Orange, Lumenir et Omni3D7.

  • Mur

Film photovoltaïque organique

Il s’agit d’un film teinté, voire transparent qui peut être appliqué sur n’importe quelle surface. Au contact des rayons solaires, il produit de l’électricité pour un niveau de rendement entre 7% et 20%8.

 

En France, Armor s’est notamment lancé dans le projet « Beautiful light project » et commercialise désormais le film photovoltaïque organique qui est 95% plus léger que les panneaux photovoltaïques. L’entreprise espère générer 50 à 100 M€ de chiffres d’affaires d’ici 202010.

 

Peinture à cellules de pigments photosensibles

Cette innovation se base sur l’application d’une couche conductrice transparente, d’une couche semi-conductrice, et d’un colorant photosensible sur le dessus avant de faire sécher la peinture à la chaleur. La production d’électricité est en fait assurée par le colorant. Les plus efficaces sont issus d’une famille de produits chimiques appelés pérovskites inspirés des cellules Grätzel, qui convertissent environ 20 % de l’énergie solaire en électricité, à un coût de production entre 10 et 20 centimes le kWh11.

  • Fenêtre

Vitre photovoltaïque

Il s’agit d’une vitre teintée ou transparente qui serait fabriquée de telle sorte que les rayons lumineux soient réfractés puis piégés dans le verre. Ils seraient ensuite réfléchis jusqu’aux extrémités de la vitre, celles-ci étant pourvues de cellules photovoltaïques. Ainsi, seuls les bords des panneaux auraient besoin d’être équipés de cellules photovoltaïques, le reste du panneau pouvant rester (plus ou moins) transparent.

Selon le bureau d’étude n-tech research, le marché mondial du verre photovoltaïque intégré est estimé à 3,5 Md$ en 202012.

Carrelage de sol photovoltaïque

Il s’agit tout simplement de l’application des panneaux photovoltaïques au sol. En plus de respecter l’exigence d’imperméabilité, il se doit également de supporter des poids de plusieurs centaines de kilos et d’être antidérapant13. Les cas d’utilisation réels restent très isolés. Il est en effet plus difficile de capter de l’énergie solaire au sol et il est obligatoire de faire une déclaration préalable qui dépend de la hauteur de l’installation par rapport au sol et de la puissance maximum délivrée par ce carrelage.

Dalles pièze-électriques

Indépendamment des matières (pavés, film PVDF…), les sols recouverts de capteurs piézométriques produisent de l’énergie grâce à la pression exercée sur les matériaux (quartz, céramiques synthétiques, titano-zirconate de plomb). La déformation crée une tension électrique qui se déverse dans les équipements ou batteries reliés.

EDF a d’ailleurs consacré un article sur cette innovation en présentant certains usages dont celui appliqué aux couloirs d’école en Angleterre par l’entreprise Pavegen14.

« Arbre à vent »

Intéressante pour son côté design et la non-nécessité de permis de construire, ces « arbres » de 8 à 12 mètres peuvent remplir l’espace vert des bureaux et des jardins avec des turbines sous forme de feuilles mobiles. Ce concept dérivé de la micro-éolienne a notamment pour avantage de proposer une maintenance plus facile avec la possibilité de changer les feuilles « clipsées » sans altérer la production.

Son fabriquant New wind affirme que l’électricité produite par un arbre à vent peut suffire à alimenter 100m2 de bureau à basse consommation ou 83% des besoins d’un ménage français hors chauffage15.

Nous constatons que les technologies solaires sont les plus prisées pour produire de l’électricité décentralisée au niveau des bâtiments. Ceci est la conséquence de multiples déclinaisons possibles dans les différentes parties des bâtiments urbains et d’un niveau de rendement satisfaisant. Malgré les avancées technologiques, les déploiements n’ont pas encore pris une ampleur significative en France au regard des moyens de production conventionnels centralisés. Comment expliquer cette tendance ?

… dont le développement industriel au sein des villes est soumis à la levée de plusieurs contraintes…

Cette lenteur dans les déploiements est la conséquence de trois contraintes :

  • La diminution récente des aides financières
  • La lourdeur des démarches administratives
  • Le cadre règlementaire à adapter malgré les premières mesures et décrets favorables issus de la Loi de Transition Energétique pour une Croissance Verte (LTECV)

L’ordonnance sur l’autoconsommation18 parue en juillet 2016 nous indique déjà quelques pistes pour pallier ces manques. Pour simplifier les interactions entre les acteurs, elle prévoit une « dérogation à l’obligation de conclure un contrat de vente avec un tiers pour le surplus d’électricité non consommé, pour les petites installations ». Il existe aussi désormais un « micro-TURPE » (TURPE HTA-BT) pour les autoconsommateurs disposant d’installations de moins de 100 kWh. En plus de précisions juridiques nécessaires sur le stockage par exemple, il conviendra également de prendre plus en considération les recommandations de la CRE telles que l’attention à porter sur l’autoconsommation collective20

… et devra s’envisager comme un moyen complémentaire à adopter avec modération

Les méthodes de production d’électricité dans les bâtiments urbains se sont beaucoup diversifiées, notamment dans le solaire. Pour autant, elles sont à maturité variable : il conviendrait de les examiner avec soin, non seulement en termes d’équation économique mais aussi au regard de leurs impacts environnementaux et sociétaux (i.e. nb. d’emplois, développement d’une filière…). Si toutes jouissent d’une source primaire inépuisable (soleil, vent, déplacement des hommes…), certaines peuvent avoir des impacts négatifs. Par exemple, la peinture photosensible contient du plomb qui est toxique et les panneaux à couches de silicium nécessiteront des processus lourds de recyclage.

Pour des villes autonomes, il est recommandable de développer des solutions faisant appel à plusieurs technologies augmentant ainsi la performance des installations. A terme, avec la raréfaction des ressources et sans doute l’augmentation des tarifs d’électricité, de plus en plus de consommateurs pourraient adopter ces solutions et devenir des producteurs auto-consommateurs.

 

Notes et références :

  1. World Urbanization Prospects 2030 – Nations Unies
  2. Elon Musk présente les tuiles solaires de Solarcity – L’Usine Nouvelle
  3. OPEN – Campagne 2009 – ADEME
  4. Prix du solaire photovoltaique 2016 – OOREKA
  5. Quel prix et quelle rentabilité pour l’éolien domestique en 2016 – ECQinfos
  6. Urbolienne, une nouvelle éolienne open source en ville – Makery
  7. Le prototype de micro-turbine éolienne à impression 3D sera présenté pour la première fois lors de la conférence climat COP21 (Paris Climate Conference) de 2015 – MarketWired
  8. Les technologies de cellules solaires photovoltaïques – photovoltaïque.info
  9. La technologie OPV – Beautiful light project
  10. Armor se lance dans l’énergie photovoltaïque organique – ENERZINE
  11. Mieux que les panneaux solaires : le spray de peinture solaire – Boursorama
  12. Smart Windows Materials Markets: 2014-2021 – n-tech Research
  13. Sol praticable photovoltaïque – Onyx Solar
  14. Piézo-électrique, la dynamo humaine a de l’avenir – EDF Pulse
  15. L’Arbre à vent – New Wind
  16. Les outils de soutien dans le secteur électrique – Ministère de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer
  17. Code de l’énergie Chapitre V – Légifrance
  18. Ordonnance n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité – Légifrance
  19. Décret n° 2009-1414 du 19 novembre 2009 relatif aux procédures administratives applicables à certains ouvrages de production d’électricité  – Légifrance
  20. Délibération de la CRE du 13 juillet 2016 portant avis sur le projet d’ordonnance relative à l’autoconsommation d’électricité – CRE