L’année 2017 marque le croisement entre la fin de la première vague de démonstrateurs Smart Grid et le lancement de nouveaux projets portant sur la généralisation de ces concepts.  

Si les résultats sont encore partiels, les enseignements sont déjà riches et cet article en fait l’écho. Pour aller au bout des démarches engagées et passer à une phase d’industrialisation, certaines suites sont néanmoins à envisager. Nous faisons le point sur les compléments nécessaires à l’avènement de ces concepts.

 

Des premiers retours riches en enseignements sur la maitrise de la demande en énergie (MDE)…

La sensibilisation des ménages semblent inciter les consommateurs à investir dans des équipements plus efficients et à accorder une grande importance aux critères d’isolation dans le choix d’un futur logement. Pour le pilotage de la demande, les essais d’effacement diffus réalisés sont probants. Dans Nice Grid, cela a conduit à des économies par ménage de 15 à 30€ en été et de 20 à 40€ en hiver. Sur l’ensemble des démonstrateurs concernés, des pics de consommation en sortie de la période d’effacement (« effets rebonds ») ont été observés et peuvent atteindre 50% de la puissance effacée. Des stratégies de reprises progressives existent néanmoins pour limiter ce phénomène.

 

… la conduite et de l’exploitation du réseau de distribution…

     Les premières expérimentations démontrent déjà le caractère industrialisable de certaines solutions de modernisation :

  • Numérisation de certaines fonctions de contrôle commande : Smart Grid Vendée et Venteea
  • Déploiement et exploitation d’un large parc de capteurs de tension et de courant : SoGrid et Venteea
  • Pilotage de transformateurs régulateurs en charge : Venteea et Nice Grid
  • Installation de disjoncteurs automatisés : RéFlexE
  • Architecture de communication CPL G3 depuis le compteur jusqu’au poste source : SoGrid
  • Systèmes d’information assurant la planification coordonnée des travaux entre les gestionnaires de réseaux de distribution et de transport et les producteurs (gestion prévisionnelle) : Smart Grid Vendée

… et le stockage

     Les projets ont permis de valider que le stockage par batteries favorise grandement l’insertion des EnR en assurant une forme de flexibilité facilement pilotable. Les batteries peuvent être placées au niveau du producteur d’EnR et également auprès des réseaux de transport, de distribution, ou du consommateur.

La généralisation des projets les plus prometteurs passent par l’évolution des réglementations et l’interopérabilité des solutions…

Au vu de l’ensemble des projets de démonstrateurs Smart Grid, il ressort que plusieurs facteurs sont essentiels au succès de ce type de projet :

Source : Analyse Spinpart

 

Si un grand nombre de solutions Smart Grid ont démontré leur intérêt et leur faisabilité technique, le passage à une généralisation reste encore incertain. En effet, sur bien des points, les réglementations actuelles ne permettent pas de présager des modèles d’affaires viables. La CRE, en a d’ailleurs bien pris conscience et demande aux démonstrateurs de communiquer régulièrement les retours d’expérience terrain pour pouvoir faire évoluer les réglementations dans les meilleurs délais(1). C’est le cas, par exemple, du mécanisme de flexibilité locale testé dans Smart Grid Vendée, dont l’intérêt économique reste encore à démontrer. Plus généralement, les constats réalisés par des projets comme Smart Electric Lyon, précisent que les solutions de pilotages diffus semblent uniquement rentables dans une approche d’offres intégrées multiservices « répondant aux préoccupations des clients (confort et réduction de la facture) ».

     A court terme, de nombreux produits ou services développés dans le cadre des démonstrateurs devraient toutefois trouver un marché grâce aux évolutions du cadre régulatoire déjà en cours ces dernières années :

  • Mise en place d’un dispositif de soutien des EnR
  • Ouverture à la concurrence des différents services système (i.e. réglages primaires et secondaires de la fréquence et de la tension), qui permettrait une meilleure valorisation des solutions de stockage (ex. : batteries développés dans Nice Grid)
  • Marché de capacité, qui vient renforcer l’intérêt économique de posséder des sources de flexibilité et le rôle même d’agrégateur de flexibilité

     En outre, les solutions développées répondent d’ores et déjà à de forts besoins identifiés dans les zones insulaires et non interconnectées.

     Un autre facteur essentiel à la généralisation est l’interopérabilité des solutions développées par les différents acteurs. Elle permettra notamment de limiter la captivité des clients finals à un acteur du marché (libre concurrence). C’est également un vecteur d’optimisation de l’articulation des différents réseaux d’énergie entre eux, que ce soit entre les transporteurs et les distributeurs ou entre les différents flux d’énergie (gaz, électricité, chaleur…).

     Le retour des démonstrateurs permet aux différentes instances de normalisation de développer des modèles d’échanges de données standardisés, réutilisables par tous. Actuellement, de vifs débats ont lieu sur la création d’un format européen normalisé permettant la transmission de données de comptage unitaires ou agrégées à un tiers. Un tel modèle est essentiel à la généralisation de solutions de MDE et à la mise à disposition de données en OpenData. Un format similaire, baptisé « green button »(2) a déjà été adopté aux Etats Unis.

 

     Enfin, la mise en place de flux de données sensibles entre plateformes de différents acteurs à une échelle industrielle pose évidemment la question de la sécurisation des échanges. Si les premiers démonstrateurs apportent certaines réponses, un grand volet sécurité reste à investiguer sur les expérimentations à venir pour permettre le transfert de toujours plus de données.

Généralisation des smart grids – Principaux leviers

Source : Analyse Spinpart

 

… pour préparer dès aujourd’hui l’atterrissage des prochains démonstrateurs…

     En France, la nouvelle vague de projets Smart Grid est déjà en marche ! Dans le cadre de la nouvelle France industrielle, un appel à projets a été lancé en avril 2015 avec pour objectif de déployer à grande échelle les technologies de réseaux électriques intelligents sur le territoire Français.

     Un an plus tard, 3 projets étaient retenus pour bénéficier des 50 M€ mobilisés par l’état via l’ADEME et des 80 M€ d’investissement prévus dans ce cadre par RTE et Enedis :

–          You & Grid dont le principal chantier « So MEL, So Connected » expérimentera de nouveaux services créateurs de valeur dans l’aménagement urbain de la métropole de Lille (MEL)

–          SMILE (SMart Ideas to Link Energies) en régions Bretagne et Pays de la Loire pour intégrer massivement les EnR et l’électromobilité

–          Flexgrid en région PACA pour sécuriser l’approvisionnement en électricité du territoire

     Au niveau européen, le projet Interflex, financé par le programme Horizon 2020 a démarré le 1er janvier 2017 pour une durée de 3 ans. Composé de 6 nouveaux démonstrateurs, il fait intervenir 20 partenaires dont 5 gestionnaires de réseaux de distribution (GRD).

interflex – nouveau Projet Smart grid européen (3)

Source : Analyse Spinpart

 

 

… et tester de nouveaux usages

     Au sein du projet Interflex, le démonstrateur Français baptisé « Nice Smart Valley » travaillera sur trois nouveaux cas d’usage Smart Grid :

1)    L’îlotage automatique d’une partie du réseau comme nouvelle source de flexibilité

2)    L’utilisation multiservice d’un portefeuille de systèmes de stockages centralisés pour rendre les solutions de stockages actuelles plus rentables en les faisant également participer à la régulation par phase et aux services systèmes

3)    Un mécanisme de flexibilités opéré par le GRD pour gérer un périmètre élargi basé sur des flexibilités purement électriques mais aussi liées au gaz

     D’autres concepts sont par ailleurs déjà en cours d’expérimentation. C’est le cas notamment du cloud storage, permettant une autoconsommation mutualisée à l’échelle d’un immeuble, d’un quartier et peut-être un jour d’une ville. Le principe ? Plutôt que d’injecter mon surplus de production dans le réseau, pourquoi ne pas vendre cette énergie à mon voisin ?

     Un système de stockage local et partagé avec des transactions entre particuliers gérées par une Blockchain ? Voilà à quoi pourrait ressembler le mode de consommation de demain. Un autre pas vers le micro grid et la ville autonome

Références et notes :

(1)   Recommandations pour accélérer le développement des réseaux intelligents (Smart Grids) en France – Déc. 2016

(2)   Initiative Green Button US

(3)   Présentation du projet Interflex H2020

 

William RUTH, SpinPart, Management Consulting, Energie, Utilities & Environnement

Tags : Smart Grid, Démonstrateurs, REX, compteurs communicants, MDE, Flexibilité