Les entreprises vivent dans un monde en profonde mutation (nouvelle phase de la mondialisation, explosion du e-commerce, crise climatique, crise sanitaire, etc.). Et dans ce monde dit VUCA (Volatility, Uncertainty, Complexity, Ambiguity), l’Excellence Opérationnelle est devenue le système de management de référence pour garantir une compétitivité durable des entreprises. L’Excellence Opérationnelle transforme en profondeur les processus, les métiers et l’organisation à travers les pratiques managériales et la culture du progrès. Elle s’appuie largement sur la philosophie du Lean Management.

L’Excellence Opérationnelle façonne alors les entreprises, elle les met en mouvement, les rend agiles, apprenantes et humanistes, dans une approche systémique de la transformation.

Une entreprise plus agile grâce à l’optimisation des processus

En tout premier lieu, l’entreprise doit rendre ses processus efficaces et efficients, c’est-à-dire satisfaire ses clients en utilisant le minimum de ressources. Chaque processus apporte toujours plus de valeur au client et toute forme de perte est réduite au maximum sur l’ensemble de la chaîne de valeur de l’entreprise. Et dans un contexte incertain, l’entreprise doit s’adapter rapidement à des changements inattendus de son environnement. Elle doit devenir agile. Et cette agilité permet de proposer à délai court des produits / services uniques et personnalisés, pour séduire les consommateurs, tout en maintenant une rentabilité maximale malgré de faibles volumes de fabrication. Pour y parvenir, il est crucial d’améliorer les flux de valeur de bout en bout (Order to cash, New Product Development, Procure-to-Pay).

 

La mise en œuvre d’une démarche d’Excellence Opérationnelle consiste a cartographier les processus de réalisation majeurs (les fameuses « Value Stream Mapping » ou « Material and Information Flow Analysis » !) pour révéler les non-valeurs ajoutées et donc les gisements de gains. Des actions de progrès à fort impact peuvent alors être trouvées ; pour exemple, la segmentation ou la création de chaînes de valeur en regroupant des produits ou services similaires, la réduction des ruptures de responsabilité ou « linéarisation » des processus, l’optimisation des interfaces, l’anticipation des tâches de façon maîtrisée, etc. Des actions complémentaires peuvent être déduites par l’application de la méthode des 3M du Lean Management, à savoir la chasse aux gaspillages (MUDA), la réduction de la variabilité (MURA), la suppression de toute forme de surcharge ou surconsommation (MURI). Et des actions classiques émergent comme l’installation d’un mode de flux « tiré lissé » ou l’auto-qualité. En optimisant l’ensemble de ses processus, l’entreprise devient ainsi plus agile.

Cependant, pour améliorer les flux de valeur de bout en bout, le regard transverse ne suffit pas. Il est crucial que chaque métier contributif au processus soit lui-même performant, pour asseoir les bases d’une entreprise dite « apprenantes ».

Une entreprise plus apprenante grâce au management par les standards

Chaque métier contribue à la performance des processus en standardisant ses pratiques, en partageant ses connaissances, en animant des retours d’expériences réguliers, en innovant sans cesse. Le socle de l’entreprise apprenante réside dans le management par les standards. Chaque métier définit la manière la plus sûre, la plus simple, la plus efficace et la plus efficiente de réaliser ses activités. La formalisation des bonnes pratiques est tirée non seulement de l’expérience, de la capitalisation des savoirs, mais aussi de l’animation d’une veille méthodologique / technologique nourrie d’idées venant de connexions avec des associations professionnelles de référence.

Les standards permettent de réduire la variabilité. Ils sont la référence pour la formation, l’audit, le management opérationnel et surtout la résolution de problèmes car ils révèlent les écarts. Ils ne sont pas figés mais peuvent être améliorés régulièrement. Le management par les compétences individuelles et collectives, constitue le deuxième socle de l’entreprise apprenante. En ce qui concerne les compétences individuelles, au-delà du triptyque « savoir, savoir-faire, savoir-être », développer sa capacité à prendre des initiatives, à proposer, à innover constitue un défi pour chaque salarié et la base de l’épanouissement du plus grand nombre. En visant une réelle dynamique pour cette forme de compétence, l’organisation pose les bases d’une entreprise dite « Humaniste » selon Jacques LECOMTE [1].

Une entreprise humaniste grâce à une structure redessinée

Tout d’abord, l’entreprise Humaniste doit savoir recruter, révéler et garder les talents. Ce premier objectif est en soi un véritable défi car les nouvelles générations sont exigeantes et les satisfaire pour les fidéliser n’est pas chose facile. L’entreprise doit repenser sa raison d’être, qui doit être au service du progrès de la société civile. L’entreprise a une véritable responsabilité sociale (interactions avec les salariés) et sociétale (interactions avec l’extérieur). L’entreprise doit être porteuse de sens ; c’est une condition pour susciter l’intérêt des salariés et l’envie de s’engager, car alors chacun se sent utile. La satisfaction au travail de tous doit être visée ; elle impacte la performance des processus et contribue ainsi à la rentabilité. La structure même de l’entreprise doit être redessinée pour la rendre plus responsabilisante. La logique pyramidale peut être complètement éclatée pour laisser place à une organisation en réseaux, en cercles ou commissions par type d’activités. Cette forme dite « cellulaire » est une véritable source d’agilité dans les processus.

La ligne hiérarchique est raccourcie, au bénéfice de décisions plus rapides, dans un esprit d’autonomie renforcée. Et pour animer cette structure, la hiérarchie change son mode de management pour passer d’un style autoritaire à un mode plus participatif. Le manager devient « guide », « coach ». Il n’hésite pas expliquer les objectifs en précisant le sens des orientations cibles. Il fait pleinement confiance, tout en animant des points de contrôle, sources de reconnaissance ou d’amélioration. Il met en place une communication plus transversale, à 360°, et moins descendante.

Le collectif est privilégié dans l’entreprise Humaniste. Les pratiques d’animation de rituels de management et de résolution de problèmes sont régulières. Les outils du Lean management en support, à savoir l’animation SQDCME (Sécurité, Qualité, Délai, Coût, Mobilisation, Environnement), le processus PDCA (plan-do-check-act) de Deming, le 5M (Main d’œuvre, Méthode, Machines, Milieu, Matière) ou le diagramme Ishikawa sont alors des facilitateurs indiscutables. Par un management plus transversal liant les métiers entre eux, la collaboration et la coopération s’en trouvent renforcées. La relation avec autrui se fait alors dans un esprit de bienveillance, de service, de confiance réciproque. Le fonctionnement en équipe est source d’efficacité, mais également de plaisir. Et lorsque le développement coopératif va jusqu’au client externe ou aux bénéficiaires de l’activité de chacun, la motivation n’est que plus grande.

Un volet spécifique de l’entreprise humaniste peut concerner son engagement pour le respect de la planète, dans un contexte d’un dérèglement climatique évident, aux vues des catastrophes récentes qui réduisent au silence les plus sceptiques. Les bénéfices sont multiples : la diminution des gaspillages, l’apport de valeur pour le client en passant de la vente à la location, la bonne réputation auprès des clients, la confiance des investisseurs, l’attractivité de l’entreprise pour les recrutements et une plus grande motivation des salariés.

Alors l’entreprise « humaniste » qui donne une large place à l’épanouissement de ses collaborateurs, au développement durable dans sa stratégie, a une formidable opportunité de faire la différence par rapport à ses concurrents. Et cette composante « humaniste » peut être bonifiée chaque année dans une logique d’amélioration continue pour intégrer une autre dimension, l’entreprise dite en « Mouvement »

 

Une entreprise en mouvement grâce à la transparence et la volonté de toujours faire mieux

D’une part, l’entreprise en mouvement intègre les facteurs clés de succès de toute transformation, quelle qu’en soit la nature (organisation, système d’information, culture, etc.). La vision de la Direction est partagée au plus tôt. A partir du cap fixé, les objectifs et indicateurs déclinés de manière cohérente dans toute l’entreprise selon les principes du « Hoshin Kanri » ou du « Balanced Scored Card » sont connus du plus grand nombre, pour obtenir un réel engagement de l’organisation. La construction détaillée de la cible se fait en mode collectif. Dans le prolongement, des projets pilotes précisant le contenu de l’état futur permettent une mobilisation opérationnelle pour démontrer des premiers résultats et en tant que véritables catalyseurs insufflent l’envie de démultiplier. Enfin, les facteurs clés de succès de la conduite du changement que sont la communication, la formation, le coaching sont cadencés pour asseoir une appropriation des nouveaux cadres de travail, des nouvelles pratiques.

D’autre part, l’entreprise en mouvement a l’obsession de toujours faire mieux. Elle maîtrise alors le processus d’amélioration continue, le fameux Kaizen japonais : « changement » pour le « meilleur ». Elle s’appuie sur la mise en œuvre de projets ou chantiers de progrès participatifs pluri-métiers. Pour en faciliter la conduite, une organisation dédiée à l’Excellence Opérationnelle, en soutien méthodologique, doit être mise en place. Les « Green Belt Lean 6 Sigma » (soutenus par des « Black Belt » plus aguerris et dédiés quasiment à temps plein) en constituent l’ossature opérationnelle car liés à un processus ou périmètre spécifique. Ces acteurs du changement mènent des projets dans leur périmètre d’influence en utilisant les nombreux outils du Lean comme les « poka-yoke » pour éviter tout défaut qualité ou le « kanban » pour piloter en flux « tiré ». Ils partagent leurs expériences dans des groupes professionnels, pour toujours se perfectionner. Mais les véritables porteurs de l’amélioration continue sont les managers. Ils véhiculent alors au quotidien des valeurs clés telles que « tout problème doit être vu comme une opportunité d’amélioration, la cause profonde des problèmes doit être recherchée ». Les managers acceptent les erreurs et prônent l’audace pour faire émerger des idées innovantes dans les résolutions de problèmes.

Pas à pas, en se comparant aux meilleurs et en améliorant sans cesse ses processus, l’organisation talonne alors les entreprises de « classe mondiale », en termes de performances opérationnelles et financières. Et bien sûr, la satisfaction de l’ensemble de ses parties prenantes (Clients, Collaborateurs, Actionnaires, Fournisseurs, Riverains, Pouvoirs Publics) s’en trouve renforcée.

Un modèle d’entreprise systémique en synthèse !

L‘Excellence Opérationnelle permet de façonner les organisations selon quatre modèles (Agile, Apprenante, Humaniste, en mouvement) à la fois complémentaires et liés entre eux.

Par exemple, l’amélioration des processus de bout en bout qui sous-tend l’entreprise Agile est amplifiée par les composantes de l’entreprise Apprenante. Par ailleurs, l’entreprise Humaniste impacte les trois autres dimensions, car grâce à la plus grande motivation des salariés qui en résulte, chacun renforce sa soif d’apprendre, s’engage davantage dans les projets de progrès, au bénéfice de l’amélioration continue des processus.

S’il fallait évoquer un modèle façonné par l’Excellence Opérationnelle, il pourrait être centré sur le résultat visé, à savoir garantir une compétitivité durable ; l’entreprise qui l’applique serait dite « Pérenne », capable d’affronter les défis actuels et futurs et de se démarquer par rapport à ses concurrents.

 

Article rédigé par :
Alain FERCOQ

 [1] Les entreprises humanistes, 2016, éditions Les Arênes