Pour les commerces de « biens non essentiels », l’arrêt des usines, quand il a eu lieu, a été synchronisé avec l’arrêt de la consommation. Grâce à cette synchronisation, les perturbations ont eu peu de temps pour se diffuser tout au long de la chaîne, et les impacts sur les Supply Chain sont assez réduits à ce jour. Il faudra cependant être prudents au redémarrage des usines et à la réouverture des magasins en gérant dans des cycles courts les prévisions de vente pour synchroniser tous les acteurs au mieux.

Pour les « biens essentiels », les Supply Chain dans le secteur agroalimentaire sont plus locales que dans d’autres secteurs. Comme évoqué, les ventes de certains produits alimentaires ont fortement augmenté au moment du confinement mais la demande réelle de ces produits n’a pas explosé. En effet, cette augmentation rapide est plutôt due à un déplacement des stocks de magasins vers les étagères des consommateurs. Les changements des habitudes de consommation (augmentation de la cuisine faite à la maison, des repas à domicile, …) ont modifié la demande à la hausse pour certaines catégories de produits avec une augmentation estimée à 20%.

On constate encore dans les supermarchés des rayons peu remplis voire parfois complètement vides. L’indicateur OSA « On-Shelf Availability »[1] s’est nettement dégradé car les consommateurs ont tendance à augmenter leur panier d’achats en faisant des courses à fréquence moins régulière. Même si les produits arrivent jusqu’aux supermarchés, les rayons ne sont pas toujours réapprovisionnés en temps voulu.

Deux points sont à surveiller pour les chaînes logistiques alimentaires : la gestion du transport vers les magasins et la disponibilité de la main d’œuvre, que ce soit dans les usines de transformation ou chez les producteurs.

Comme l’a annoncé Christine Lambert, présidente du syndicat FNSEA, les Français n’ont pas à craindre de rupture de produits alimentaires dans les semaines à venir.

Pour les Supply Chain de médicaments, les approvisionnements ont suscité de nombreuses inquiétudes ces dernières semaines. En plus d’être fortement dépendantes des principes actifs fabriqués hors de l’Union Européenne[2], les Supply Chain européennes ont des capacités de production externalisées en Inde et en Chine. Même si une partie des usines asiatiques ont redémarré, deux pays ont arrêté leurs exportations de principes actifs : l’Inde et les États-Unis, créant encore davantage de perturbations dans les approvisionnements. En parallèle, la demande de certains médicaments pour traiter les symptômes du COVID-19 a explosé, provoquant une baisse très importante des stocks. Des tensions sont à craindre dans les semaines à venir dans le milieu hospitalier, où de nombreux établissements alertent déjà sur le niveau des stocks, avec potentiellement des ruptures partielles et ciblées.

Les problèmes principaux restent l’approvisionnement des usines en principes actifs, la capacité de production de ces usines dans un horizon temporel court et la répartition de l’offre entre pays, perturbée de plus par un regain de tension sur les coûts. Le transport des médicaments vers l’Europe n’est pas un problème majeur à ce stade : les flux sont faibles au regard du commerce mondial et l’importance de ces acheminements conduit les clients à organiser du transport exceptionnel express par voie aérienne ou des files rapides de camions aux frontières terrestres.

Les chaînes pharmaceutiques sont très ébranlées par cette crise et devront trouver à l’avenir des solutions stratégiques pérennes pour devenir plus résilientes.

 


[1] On-Shelf Availability : indicateur qui mesure la disponibilité des produits en vente sur les étagères d’un supermarché. On mesure si le client a le produit qu’il veut au moment où il le veut.
[2] Selon un rapport européen publié en mars 2017 (« European and US regulators agree on mutual recognition of inspections of medicines manufacturers »), 80 des producteurs de principes actifs destinés à fabriquer les médicaments sont positionnés hors UE.