L’Excellence Opérationnelle (s’appuyant sur le toyotisme, le lean management, le teslisme) est devenue le système de management de référence pour développer la compétitivité des entreprises dans un monde en profonde mutation (explosion du e-commerce, crise climatique) et très incertain (crise sanitaire, conflit armée, etc.). L’entreprise doit devenir alors plus rapide, plus agile, pour ajuster le plus vite possible sa chaîne de valeur, afin de satisfaire le mieux possible l’ensemble de ses parties prenantes.

Au-delà de la réalisation de profits, elle doit viser des fins plus larges : bien sûr le développement des personnes, mais aussi le respect de l’environnement et le bon fonctionnement de la société. L’entreprise de référence s’inscrit alors dans le courant de pensée de Michael Porter, professeur de management à Harvard et expert en stratégie d’entreprise, qui dès 2011 évoquait la « création de valeur partagée ». Plus récemment (2018), Michaël Valentin parle de « création de valeur collaborative ». Aussi, dans ce contexte, il est opportun de s’interroger sur l’orientation souhaitable pour l’Excellence Opérationnelle, en termes de création de valeur par partie prenante (les clients, les actionnaires, les salariés, les fournisseurs, les riverains, la communauté).

L’excellence opérationnelle crée de la valeur pour les clients

En ce qui concerne le client ou le consommateur, il est incontournable aujourd’hui d’augmenter la création de valeur en proposant des produits « sur-mesure » avec des délais de plus en plus courts. En complément, les consommateurs sont de plus en plus demandeurs de produits “vert” ou “bio”, de traçabilité et de transparence sur les impacts environnementaux et sociaux des produits et services qu’ils achètent. Le développement de l’économie de fonctionnalité ou de l’usage ouvre des perspectives de croissance avec réduction d’impact sur la nature à grande échelle. Le remplacement de la vente du bien par celle de son usage entraîne le découplage de la valeur ajoutée et de la consommation de matières premières. Et l’entreprise peut s’appuyer sur les nouvelles technologies, pour proposer des nouveaux services ; par exemple, des plateformes de gestion des retours client et de produits reconditionnés, limitent l’impact écologique de l’entreprise. Elle devient alors “hyper frugale” car elle répond à la rareté des ressources en profitant des dernières technologies. Globalement, une écoute renforcée du client, à savoir l’exploitation massive de données utilisateurs par le « Big Data », la capitalisation sur l’usage ou l’expérience client, le travail collaboratif régulier s’appuyant sur les tendances sociétales fortes se traduit alors par plus de services adaptés. Dans un monde où la compétition est féroce, être orienté client pour créer plus de valeur est donc un incontournable et l’excellence opérationnelle permet d’intégrer cette donnée.

L’excellence opérationnelle crée de la valeur pour les actionnaires

Les résultats opérationnels doivent sans cesse être améliorés pour une performance économique optimale. Toute forme de perte doit être réduite au maximum sur l’ensemble de la chaîne de valeur de l’entreprise. La mise en œuvre alors d’une démarche d’Excellence Opérationnelle consiste à cartographier les processus de réalisation majeurs (les fameuses « Value Stream Mapping » ou « Material and Information Flow Analysis » !) pour révéler les non-valeurs ajoutées et donc les gisements de gains. Des actions de progrès à fort impact peuvent alors être trouvées ; pour exemple, la segmentation ou la création de chaînes de valeur en regroupant des produits ou services similaires, la réduction des ruptures de responsabilité ou « linéarisation » des processus, l’optimisation des interfaces, l’anticipation des tâches de façon maîtrisée, etc. Des actions complémentaires peuvent être déduites par l’application de la méthode des 3M du Lean management, à savoir a chasse aux gaspillages (MUDA), la réduction de la variabilité (MURA), la suppression de toute forme de surcharge ou surconsommation (MURI). Et des actions classiques émergent comme l’installation d’un mode de flux « tiré lissé » ou l’auto-qualité. Toute forme d’efficience s’en trouve améliorée, la main d’œuvre, les équipements, la matière, l’énergie. Ainsi, en optimisant l’ensemble de ses processus sur tous les fronts, l’entreprise devient plus agile, et plus sobre. L’EBITDA, l’indicateur économique de référence des entreprises, progresse alors d’année en année, pour la plus grande satisfaction des actionnaires.

L’excellence opérationnelle crée de la valeur pour les salariés

L’entreprise doit être porteuse de sens ; c’est une condition pour susciter l’intérêt des salariés et l’envie de s’engager, car alors chacun se sent utile. La satisfaction au travail de tous doit être visée L’Excellence Opérationnelle redessine la structure même de l’entreprise pour la rendre plus responsabilisante. La logique pyramidale peut être complètement éclatée pour laisser place à une organisation en réseaux, en cercles ou commissions par type d’activités. Cette forme dite « cellulaire » est une véritable source d’agilité dans les processus.

L’Excellence Opérationnelle induit un raccourcissement de La ligne hiérarchique, au bénéfice de décisions plus rapides, dans un esprit d’autonomie renforcée. Et pour animer cette structure, la hiérarchie change son mode de management pour passer d’un style autoritaire à un mode plus participatif. Le manager devient « guide », « coach ». Il n’hésite pas expliquer les objectifs en précisant le sens des orientations cibles. Il fait pleinement confiance, tout en animant des points de contrôle, sources de reconnaissance ou d’amélioration. Il met en place une communication plus transversale, à 360°, et moins descendante.

L’Excellence Opérationnelle privilégie le collectif. Les pratiques d’animation de rituels de management et de résolution de problèmes sont régulières. Les outils du Lean management en support, à savoir les dispositifs visuels d’Animations à Intervalle Court, la résolution de problème selon les séquences du PDCA (plan-do-check-act) de Deming, sont alors des facilitateurs indiscutables. Par un management plus transversal liant les métiers entre eux, la collaboration et la coopération s’en trouvent renforcées. La relation avec autrui se fait alors dans un esprit de bienveillance, de service, de confiance réciproque. Le fonctionnement en équipe est source d’efficacité, mais également de plaisir. Et lorsque le développement coopératif va jusqu’au client externe ou aux bénéficiaires de l’activité de chacun, la motivation n’est que plus grande.

L’excellence opérationnelle crée de la valeur pour les fournisseurs

Concernant la dimension sociétale, la relation de l’entreprise avec son réseau de fournisseurs fait déjà partie intégrante des programmes de l’Excellence Opérationnelle, au travers de « plans de développement fournisseurs ». Il est fondamental d’établir des relations honnêtes dans une logique « gagnant/gagnant ». Davantage de transparence est alors incontournable, pour aller chercher des gisements de gain aux interfaces (exemple : conditionner chez le fournisseur des composants dans des caisses transférables directement sur les lignes d’assemblage du client en supprimant toute activité intermédiaire inutile). Plus globalement, il est souhaitable de développer une véritable stratégie de partenariat visant des relations privilégiées avec les fournisseurs pour créer de la valeur économique. La construction de réseaux entre industriels renforce des synergies profitables. Le développement de l’économie circulaire avec des fournisseurs et partenaires locaux est une source de gains économiques et environnementaux, car le déchet d’une entreprise est utilisé comme ressource pour réaliser un autre produit dans une autre chaîne de valeur. C’est pourquoi, une alliance stratégique en amont et en aval est souhaitable. Certaines agro-industries ont déjà concrétisé le concept ; en Picardie, la société Ajinomoto intègre comme composant de ses produits (acides aminés pour l’alimentation animale) la mélasse de betterave, un déchet des industries sucrières voisines. Par ailleurs, une nouvelle dimension est à prendre en compte, le service rendu à la communauté. L’entreprise peut infléchir sa politique d’achat en faisant vivre les acteurs locaux. Après avoir délocalisé à outrance, un véritable mouvement de relocalisation est en marche. Le coût global peut même s’avérer inférieur car les écarts en logistique et en qualité compensent de plus en plus le surcoût en main d’œuvre.

  L’Excellence Opérationnelle crée de la valeur pour les riverains, la communauté en réduisant les externalité négative sur l’environnement

Les entreprises peuvent adopter simultanément une stratégie combinée « Lean and Green », où le Lean intègre des pratiques respectueuses de l’environnement. Les stratégies Lean Green sont souvent perçues comme des initiatives compatibles en raison de leur orientation conjointe sur la réduction des pertes et déchets. Si les praticiens du Lean ont traditionnellement mis l’accent sur ce qu’ils appellent les huit formes de gaspillage (la surproduction, les défauts, les stocks inutiles, le traitement excessif, le transport excessif, l’attente, et le mouvement inutile, l’intelligence), les déchets environnementaux peuvent être considérés comme une nature de gaspillage supplémentaire. Comme évoqué précédemment, l’ensemble du cycle de vie du produit peut être impacté. Des actions multiples sont envisageables. Le développement de l’économie de fonctionnalité ou de l’usage ouvre des perspectives de réduction des déchets à grande échelle. Le remplacement de la vente du bien par celle son usage entraîne le découplage de la valeur ajoutée et de la consommation de matières premières. Par exemple, Michelin facture les kilomètres parcourus par les camions équipés de ses pneus au lieu de les vendre, et Xerox ou Lexmark facturent les photocopies à l’unité, au lieu de vendre ou de louer les machines. D’autres leviers de progrès impactent la non-valeur ajoutée et donc les coûts, en réduisant les pertes en production avec l’impact environnemental (exemples : règles de pilotage permettant de produire la juste quantité, moyens de conditionnement réutilisables). Au-delà d’une utilisation plus durable des ressources qu’induisent les actions mentionnées précédemment, un plan de prévention de toute forme de pollution (air, eau, sols) doit être animé. Les collaborateurs peuvent y être largement associés au travers des rôles de relais « environnementaux » au sein des équipes, ou la participation à des groupes de travail. Nous pouvons affirmer que, sans ambiguïté, le « Green » est résolument compatible avec le Lean ! Tout programme d’Excellence Opérationnelle doit alors intégrer une dimension environnementale, pour concrétiser cette synergie gagnante.

L’excellence opérationnelle pour une création de valeur équilibrée, au service des stratégies RSE

En synthèse, une entreprise qui vise l’Excellence Opérationnelle est de fait une entité intégrée qui crée de la valeur, de manière efficace et efficiente pour l’ensemble des parties prenantes (les clients, les actionnaires, les salariés, les fournisseurs, les riverains, la communauté). Les performances améliorées sont multiples et les KPI alors structurés selon le fameux « S.Q.D.C.M.E » (Sécurité, Qualité, Délai, Coût, Mobilisation, Environnement) l’attestent. L’Excellence Opérationnelle visant une création de valeur équilibrée renforce l’agilité de l’entreprise et celle-ci peut être qualifiée d’humaniste, en référence aux travaux de Jacques LECOMTE en 2016. Tout naturellement, l’Excellence Opérationnelle avec ses multiples facettes se positionne alors tout naturellement au cœur des stratégies RSE des sociétés. Et dans un contexte dit VUCA (Volatility, Uncertainty, Complexity, Ambiguity) qui se confirme de jour en jour, l’Excellence Opérationnelle est bien un système de management de référence pour garantir une compétitivité durable des entreprises.

Article rédigé par : Alain FERCOQ