Maîtriser les données RH : un enjeu de pilotage des politiques publiques
13 mai 2025
La maîtrise des données RH, désormais inscrite dans la feuille de route SIRH 2023-2027 (1) de l’État, s’impose comme une priorité stratégique pour renforcer l’efficacité des politiques RH. Or, le secteur public, confronté à un retard de digitalisation, des exigences réglementaires complexes et une organisation morcelée, peine à exploiter pleinement les informations de ses 5,7 millions d’agents (2). Le défi ne réside plus uniquement dans la collecte de ces données, mais dans leur exploitation pour anticiper les besoins et orienter les décisions de manière proactive.
Les données RH : ressource clé pour l’adoption de stratégies RH pertinentes
Face au vieillissement démographique, aux tensions sur les compétences critiques et aux nouvelles attentes des agents, la fonction publique doit réinventer sa gestion des ressources humaines. Les données RH deviennent alors bien plus qu’un simple outil de reporting : elles représentent une ressource stratégique pour une gestion fine et agile. Utilisées efficacement, elles peuvent ainsi servir de base à la mise en place de stratégie GPEC et permettre l’anticipation de l’adéquation entre besoins futures de l’administration et compétences détenues par les agents.
Toutefois, le secteur public se heurte à plusieurs défis majeurs :
- Le retard de digitalisation, qui fragilise la collecte d’informations fiables ;
- La fragmentation des outils, qui empêche la fluidité et la centralisation des données ;
- L’approche rétrospective, qui prive les acteurs d’une vision prévisionnelle.
La fiabilisation des données : prérequis nécessaire pour une exploitation optimale
Afin d’éclairer les décisions stratégiques, il est crucial que les informations collectées soient fiables et exactes. Actuellement, une multitude d’outils sont déployés sur le territoire pour répondre aux spécificités de chaque administration publique.
Le manque de communication entre ces nombreux outils rend l’accès aux informations morcelé et leur collecte complexe. Certains ministères emploient encore plus de 3 000 outils RH différents ! Cette fragmentation des systèmes d’informations, combinée à des processus parfois non digitalisés, empêche la collecte complète et fiable des données à l’échelle nationale et questionne la pertinence des indicateurs établis par les infocentres.
Conscient des enjeux, le secteur public accélère la digitalisation de ses processus et investit, autant que possible, dans des systèmes intelligents et interopérables comme en témoigne la récente mise en place de la solution SICARDI (3).
Au-delà des outils, la fiabilisation des données passe aussi par l’humain. Les outils peuvent être de la plus haute performance, si les agents ne savent pas les utiliser correctement, les données seront erronées. Il est ainsi indispensable d’accompagner cette montée en compétences en parallèle du déploiement de solutions numériques. De même, la volumétrie est telle que l’erreur ne peut être évitée. Afin de fiabiliser les données RH, les administrations ont intérêt à mettre en place des processus de contrôle interne dans une démarche d’amélioration continue de la qualité des informations saisies dans les outils.
L’approche prospective : une transformation nécessaire pour éclairer la prise de décision
La maîtrise des données RH passe également par l’exploitation qui en est faite. Jusqu’à présent, les administrations publiques ont eu tendance à adopter une approche rétrospective au détriment d’une gestion prospective et stratégique des ressources humaines. Bien qu’il soit essentiel de suivre les indicateurs de performance RH pour légitimer l’investissement dans des projets ciblés, l’utilisation des données RH doit évoluer pour passer de rapports passifs, dressant le bilan des années antérieures, à un pilotage dynamique des ressources humaines.
A titre d’exemple, le rapport social unique (RSU), document annuel obligatoire, a été réformé en 2025 pour centraliser et harmoniser des indicateurs à l’échelle nationale.
Seulement ce projet demande une programmation complexe des outils pour un rapport diffusé deux ans après l’année de référence, limitant ainsi la prise de décision sur des enjeux actuels. Demain, l’objectif est donc de ne plus se limiter à des bilans du passé, mais de s’appuyer sur des données prospectives, pour anticiper les besoins futurs en recrutement, en formation, ou encore en réorganisation des services publics.
Ainsi, l’approche prospective des données RH permet une refonte des politiques de GPEC (Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences). Le croisement des données (départs à la retraite, compétences, mobilités) et l’analyse prospective permet d’anticiper les besoins et de définir les stratégies RH pertinentes afin d’éviter les vacances de postes, d’optimiser la performance, et ainsi de garantir la continuité et la qualité du service public.
Dans un autre registre, les simulations budgétaires permettent d’optimiser la masse salariale (en ajustant les effectifs et les politiques de rémunération), particulièrement dans le cadre de réformes comme les hausses du point d’indice ou la mise en place de la protection sociale complémentaire.
Cette transition vers une exploitation prospective des données nécessite un profond changement de culture organisationnelle au sein de la fonction publique. Là encore, il est essentiel de former les acteurs RH à cette nouvelle approche, où l’exploitation des données ne se limite pas à des bilans, mais devient un outil stratégique pour guider l’action publique.
SpinPart accompagne depuis plus de 20 ans l’Etat, les collectivités et les établissements publics dans leurs transformations. Nous possédons une forte expertise RH publique, renforcée par une solide connaissance réglementaire et statutaire, et notre contribution à la construction des processus et SIRH interministériels.
Sources :
1- Feuille de route au 31 mars 2023, Ministère de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification
2- Effectif au 31/12/2022 selon le Rapport annuel sur l’état de la fonction publique – Édition 2024
3- SICARDI est une solution qui a pour objectif d’optimiser la relève des emplois sur la base des compétences existantes. Elle a été développée par le CISIRH en 2023 pour les ministères économiques et financiers dans la perspective d’accueillir d’autres ministères à l’avenir.
Article rédigé par Valentine Merlen et Clara de Bast
